Déclaration du Bureau au sujet du NSSP (Sri Lanka)

Plus tôt en 2020, on a appris que Vikramabahu «Bahu» Karunaratne, le président de l’une des organisations de la Quatrième  Internationale au Sri Lanka, le NSSP, serait candidat aux élections du 5 août. Bahu disputait les élections sur la liste de l'United National Party (UNP), sous son symbole électoral, tout en appelant au soutien du chef de l'UNP Ranil Wickramasinghe, ancien Premier ministre du Sri Lanka. En réponse à cette nouvelle, le Bureau de la Quatrième Internationale a demandé au NSSP d'expliquer pourquoi leur principal dirigeant se présentait aux élections sur la liste du parti historique de la politique bourgeoise de droite au Sri Lanka.

Le NSSP a clairement indiqué qu’en tant qu’organisation, ils soutenaient la candidature de Bahu. Dans un document envoyé au Bureau, ils ont justifié cela comme «front unique», rendu nécessaire par la menace du «fascisme» au Sri Lanka représenté par le camp de Gotabaya Rajapaksa. Le Bureau ne pouvait accepter cette explication car le front unique concerne l’action commune de certaines parties du mouvement ouvrier. Pourtant l’UNP n’est pas un parti ouvrier, mais le parti du libre marché, aile droite d'un secteur de la bourgeoisie libérale sri-lankaise. Dans sa compétition avec le camp ouvertement cinghalais-chauvin de Rajapaksa, l’UNP a adopté un discours plus «libéral», axé sur les droits de l’homme, mais cela n’a en aucun cas signifié que le parti ait changé son caractère de classe. Lorsqu'il a été élu Premier ministre du Sri Lanka en 2015, Ranil Wickramasinghe a déclaré que son objectif était de «faire du Sri Lanka l'économie la plus ouverte et la plus compétitive d'Asie du Sud». En cela il poursuivait la politique de son premier mandat de Premier ministre lorsque, au début des années 90, l'UNP a joué un rôle important dans l'introduction de réformes néolibérales.

Pour préciser que la candidature de Bahu n’était pas soutenue par la Quatrième Internationale, le Bureau a publié une «Déclaration sur les prochaines élections au Sri Lanka» le 30 juin. Nous n'avons reçu aucune réponse du NSSP lorsque nous les en avons informés. Ils n'ont pas non plus répondu à la proposition d'écrire une réponse qui pourrait être traduite et diffusée dans l'Internationale. Le 17 juillet, nous avons publié une déclaration de Left Voice, l’autre organisation sri-lankaise associée à la Quatrième Internationale, dans laquelle elle critiquait la candidature de Bahu comme une capitulation politique; «Une invitation à faire avancer la tradition Nava Samasamaja» (en anglais). Le NSSP n'a répondu ni à cette déclaration, ni à celle de Left Voice que nous avons publiée le 20 août, après les élections: «Triple crise et élection parlementaire au Sri Lanka 2020» (en anglais).

Les élections du 5 août se sont soldées par une déroute quasi totale de l'UNP. L'UNP n'a conservé qu'un seul siège. Mais le manque de réponses du NSSP indique que même cet échec ne les a pas amenés à reconsidérer leur stratégie de soutien à un parti de la droite bourgeoise.

Le Bureau de la Quatrième Internationale est parvenu à la conclusion que le NSSP a fondamentalement rompu avec nos principes fondamentaux. L'indépendance politique de la classe ouvrière est au cœur de notre projet. La campagne électorale de Bahu et du NSSP allait clairement à l'encontre de ce principe. Les déclarations de Bahu ont simultanément reconnu l'UNP et Ranil Wickramasinghe comme «capitalistes» tout en appelant les élécteurs à les soutenir. En 2015, Bahu avait décrit l'UNP comme faisant partie du «courant démocratique dominant au sein de la culture sociétale capitaliste» et Ranil Wicramasinghe comme «un leader radical dans une société capitaliste», mais rejetait encore une alliance électorale. Les élections du 5 août ont été la dernière étape. Quelques jours seulement avant ces élections, Bahu a déclaré que l'UNP était un «parti démocratique politiquement libéral», «représentant les aspects démocratiques du capitalisme», et qu'il était «arrivé à ce stade parce que dans ce pays il y a une menace de fascisme», donc que  «les socialistes doivent être prêts à se lier aux dirigeants capitalistes libéraux et à se battre pour la démocratie puisque la lutte aujourd'hui était pour la justice, la loyauté et la démocratie.»1

Compte tenu du rôle central de Bahu dans le NSSP, de ses déclarations sur les élections, de l'absence de signes de forte opposition à l'intérieur du NSSP et du silence du NSSP envers la direction de la Quatrième Internationale, nous ne voyons aucune raison d'espérer que l'organisation corrigera sa sérieuse erreur.

Le Bureau de la Quatrième Internationale a décidé de suspendre tous les liens avec le NSSP et de demander au prochain Comité International de voter la confirmation de cette suspension et d'acter que le NSSP ne représente plus la Quatrième Internationale au Sri Lanka. Le NSSP aura la possibilité de répondre à la réunion du CI. Il sera demandé au prochain Congrès Mondial de désaffilier formellement le NSSP.

Le NSSP a rompu fondamentalement avec notre politique, comme indiqué ci-dessus. Ces dernières années, les membres de la QI au Sri Lanka ont fait partie de deux organisations différentes: le NSSP et Left Voice (Vame Handa). Cette division était le résultat de divergences politiques dans plusieurs domaines. La Quatrième Internationale maintient ses relations avec Left Voice comme auparavant.

Le 2 octobre 2020

 

 

 

  • 1Daily Mirror Online, 1 August 2020 ‘There is threat of fascism at present; -Vickramabahu’ (http://www.dailymirror.lk/hard-talk/There-is-threat-of-fascism-at-present-Vickramabahu/334-193071).

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