Fruit de la rencontre de trois organisations révolutionnaires qui comptent en Argentine (Democracia Socialista, Organizacion Revolucionaria Guevaristas et Diciembre-Collectivo Militante), « Poder Popular » est né.
C’est le résultat d’une réflexion sur le dernier cycle que vient de vivre ce pays latinoaméricain et sur la nécessité d’avancer plus avant vers la construction d’une organisation révolutionnaire. Comme énoncé dans leur manifeste de fondation, ces organisations se proposent de « préserver les éléments fondamentaux de l’histoire du mouvement ouvrier et de la gauche révolutionnaire : une perspective émancipatrice de la classe ouvrière » et une orientation stratégique claire pour le nouveau cycle qui s’ouvre, marqué par la profonde crise globale du capitalisme et la nouvelle donne internationale : « une politique d’unité et d’indépendance de classe par le refus de toute alliance stratégique avec la bourgeoisie ; la délimitation face au réformisme et la collaboration de classes. »
Voici le manifeste de création de cette nouvelle organisation, « Poder Popular ».
Poder Popular est le résultat d’une convergence entre trois organisation politiques (Democracia Socialista, Organizacion Revolucionaria Guevaristas et Diciembre-Collectivo Militante), rassemblées dans une nouvelle instance, plus importante, car nous voulons contribuer au combat pour un changement radical de la société. Cette nouvelle organisation politique, construite grâce aux outils d’un marxisme révolutionnaire non dogmatique, a pour principale tâche la construction d’un pouvoir populaire.
Notre période historique, ouverte avec la défaite des mouvements révolutionnaires des années 70 – 80 et la chute de ce qu’on appelait alors « le socialisme réel », à commencer par l’Union Soviétique, a redessiné une nouvelle scène internationale où pendant deux décennies quasiment, le néolibéralisme a pu avancer dans son offensive contre les acquis de la classe ouvrière. Mais cet ordre mondial néolibéral a été contesté en ce début de 21ème siècle par les luttes insurrectionnelles en Amérique Latine et les limites de ce néolibéralisme sont apparues évidentes lors de la crise économique de 2008. Nous nous trouvons aujourd’hui à un seuil de grande instabilité, sans que les classes dominantes n’agissent ensemble avec une stratégie commune, ce qui ne les empêche pas de se mettre d’accord sur tel ou tel sujet de fond pour renouer avec une dynamique d’accumulation capitaliste. Ceci implique qu’elles avancent sur la « triple réforme » (loi sur les retraites, loi sur la fiscalité, loi travail), projet contrecarré par les révoltes populaire qui ont réussi à plusieurs reprises à freiner les réformes les plus rétrogrades, sans arriver toutefois à construire des alternatives révolutionnaires en mesure de disputer le pouvoir.
Depuis des années, dans notre pays, nous continuons à résister à ces projets, qui signifieraient une lourde défait pour la classe ouvrière. Nous l’avons fait lors du dernier mandat de Cristina Kirchner, lorsqu’a commencé à s’appliquer ce qu’on a appelé la phase du « réglage fin », et d’avantage encore lorsque Macri, enhardi par ses bons résultats aux élections de mi-mandat en 2017 a voulu donner un coup d’accélérateur à ces projets. Les émeutes de rue sur la Place du Congrès contre la réforme des retraites a constitué un point d’inflexion pour la coalition « Juntos por el Cambio », qui dès lors a pris l’apparence d’une armée en déroute, ayant pour seule préoccupation de mettre à l’abri des millions dans les paradis fiscaux. Tout en nous réjouissant en 2019 de la défaite électorale des partis portant ce projet, nous avons mis en garde à l’égard des promesses du Frente de Todos concernant les possibilités d’amélioration du plus grand nombre sans se confronter ni s’en prendre aux intérêts des classes dominantes. La preuve que ce projet n’était pas viable a été mise en évidence lorsqu’a été entérinée l’énorme dette illégitime contractée par Macri auprès du FMI, condamnant ainsi le peuple à « l’honorer » en subissant un plan d’ajustements budgétaires, une stratégie qui s’est encore aggravée avec l’arrivée récente de Sergio Massa comme ministre de l’économie.
C’est pour cela que nous ne nous n’entendons pas nous accommoder sans réagir au « moindre mal » que constituent ces deux plans qui plongent dans la crise économique des millions d’argentin(e)s et que nous cherchons à bâtir un nouveau projet socialiste à la mesure des combats d’aujourd’hui et qui a vocation à exercer réellement le pouvoir. Dans un contexte où la plupart des forces militantes sont en lambeaux, l’unité est la perspective la plus claire pour affronter cette offensive antisociale.
Qui sommes-nous ?
Nous sommes un courant qui se propose de préserver les éléments fondamentaux de l’histoire du mouvement ouvrier et de la gauche révolutionnaire : une perspective émancipatrice de la classe ouvrière, une politique d’unité et d’indépendance de classe par le refus de toute alliance stratégique avec la bourgeoisie ; la délimitation face au réformisme et la collaboration de classes. Nous militons à la fois pour un internationalisme concret en soutien aux luttes des peuples du monde contre la capitalisme, l’impérialisme et le patriarcat.
Nous sommes partie prenante des luttes quotidiennes de notre peuple, sur tous les fronts, nous suscitons partout, localement, l’unité pour la défense de nos droits sur nos lieux de travail, d’étude et d’organisation sociale. Nous impulsons la lutte des secteurs populaires depuis nos organisations professionnelles, lieux de travail et d’étude en cherchant à regrouper les forces des travailleurs(euses) avec ou sans emploi, du mouvement féministe et des mouvements sociaux, des résistances contre la répression d’Etat et sa politique de la « gâchette facile », tout en impulsant une culture et un art émancipés, et en défendant les spécificités et les droits de la jeunesse.
Nous sommes les enfants et petit- enfants des mères et grands-mères de la Place de Mai, héroïques références de la lutte contre la dictature, qui font pour nous partie des luttes phares pour ce qui concerne les droits humains. Nous sommes les héritier(e)s des luttes des 30 000 disparu(e)s et nous combattons la répression d’Etat sous toutes ses formes (depuis la politique de la « gâchette facile » jusqu’à la répression des manifestations, en passant par la brutalité des conditions d’emprisonnement imposées par la justice et l’administration pénitentiaire. En tant qu’antiracistes et antifascistes, nous sommes les ennemis irréconciliables de toutes les droites et extrême droites, « nouvelles » ou « traditionnelles ».
Nous sommes une organisation anticapitaliste, féministe et écosocialiste. Parce que nous vivons dans notre chair les luttes de nos villes et villages, dévastés par l’extractivisme du colonialisme, l’impérialisme et le patriarcat. C’est pour cela que nous sommes convaincus que toutes ces contestations suivent un même fil conducteur qui les unit dans une même lutte contre l’exploitation et l’oppression. Notre féminisme cherche à s’ancrer dans les luttes des peuples qui s’expriment de leur propre voix, pensant l’intersectionnalité et le féminisme transgenre en rupture avec le féminisme blanc, colonial, qui s’accommode de la mise au rebut des territoires et ressources naturelles ainsi que l’appauvrissement de pans entiers de la société.
Nous sommes une organisation qui plonge ses racines dans la révolte populaire de 2001 et qui est disponible aujourd’hui pour construire une alternative en cette période, marquée ces dernières années par la profonde crise politique et économique dans notre pays. Nous refusons l’idée selon laquelle, pour bâtir une alternative politique, nous devrions renier toutes celles et ceux qui ont su, à travers leur lutte contre le néolibéralisme, marquer l’histoire de notre peuple, en affrontant dans la rue la répression d’Etat.
Pour toutes ces raisons, nous construisons un outil pour permettre de trouver une issue de gauche à la crise actuelle, qui élabore un programme en prise avec les préoccupations quotidiennes de la classe ouvrière et du peuple en général, dans une perspective de sortie du capitalisme en Argentine. A travers nos parcours respectifs, nous avons vu à quel point « construire un capitalisme à visage humain », un « capitalisme où tout le monde aura à gagner », comme le gouvernement essaie de nous en convaincre, n’était qu’une utopie irréaliste. Mais nous qui vivons de notre travail et partageons avec d’autres les luttes de résistance populaires, nous ne pouvons pas accepter un projet politique qui condamne à la misère une bonne partie de la population.
C’est pour cela que, nous qui avons vocation à construire un véritable pouvoir populaire, nous redescendons dans la rue avec de nouvelles forces, de nouveaux et nouvelles camarades, avec des convictions renforcées, pour contribuer dès aujourd’hui à lancer des actions préfigurant la société dont nous rêvons.
16 septembre 2022
Traduit pour fourth.international de Poder Popular