TIR : La situation internationale, nos tâches et nos mots d’ordre

Cette résolution présentée par la Tendance pour une Internationale Révolutionnaire (TIR) était rejetée par le Congrès mondial 2025 par 3 pour, 112 contre, 6 abstententions, 9 NPPV.

La lutte des classes dans le monde

La prolétarisation de millions de personnes, principalement dans les pays en voie de développement, où de plus en plus de paysans migrent vers les usines urbaines, se combine avec un nombre croissant de travailleurs et travailleuses des pays occidentaux plus développés qui quittent les usines pour les services. La classe ouvrière augmente donc globalement. Sur le plan subjectif, la faiblesse organisationnelle de la classe ouvrière demeure avec l’affaiblissement des syndicats et l’absence de partis révolutionnaires de masse. Cette situation offre la possibilité aux courants luttes de classes et/ou révolutionnaires de s’implanter dans la classe ouvrière et d’agir indépendamment des directions de la gauche institutionnelle qu’elle soit syndicale et politique. Mais pour l’instant, malgré les réactions de notre classe, cela n’a pas modifié le rapport de forces qui reste défavorable à la classe ouvrière.

Ces changements ont des effets contradictoires sur la conscience de classe. Dans les sociétés développées, en éliminant les emplois manuels, l’automatisation fait chuter le taux de plus-value des secteurs automatisés, forçant les capitaux à se tourner vers des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, où des conditions de travail extrêmement dures ont déjà déclenché des luttes importantes.

Dans le reste du monde, notamment en Chine et en Inde, des millions de travailleurs rejoignent le noyau traditionnel de la classe ouvrière : les usines. Malgré les grèves et les éruptions parfois massives et violentes comme en Chine, à Hong Kong ou en Corée, pour l’instant la classe dirigeante n’a pas perdu le contrôle de la situation.

Nous devons nous appuyer sur les luttes qui surgissent. C’est ce mouvement réel de la lutte des classes qui permettra de reconstruire une conscience de classe. La classe ouvrière et la jeunesse ne sont pas défaites. Et les preuves en sont nombreuses : la grève victorieuse de l’industrie automobile américaine, la grève également victorieuse des acteurs d’Hollywood, le mouvement infructueux mais politiquement plus mûr contre la réforme réactionnaire des retraites de Macron, le mouvement de révolte au Bangladesh, le soulèvement féministe en Iran et, enfin et surtout, la résistance palestinienne qui persiste face à l’offensive génocidaire d’Israël soutenu par les puissances impérialistes occidentales, constituent une longue liste de ces luttes. Il est faux de dire que ces luttes ne servent à rien, elles occasionnent une accumulation d’expériences et manifestent une perte de légitimité de l’ordre capitaliste aux yeux de millions de jeunes et de travailleurs !

Mais le mouvement ouvrier auto-organisé du Kazakhstan écrasé par l’armée russe, le soulèvement démocratique au Soudan brisé par la restauration de la dictature militaire, la défaite de la révolte contre l’oppression ethnique, économique et politique au Myanmar sont aussi là pour nous rappeler quelle peut être l’issue de révoltes dans des situations qui manquent d’une intervention indépendante de la classe ouvrière, et pourquoi nous avons besoin de partis révolutionnaires implantés dans notre classe.

La situation en Amérique latine illustre les contradictions, les insuffisances mais aussi les possibilités des luttes populaires dans la phase de crise actuelle. Après l’échec des impérialistes américains à renverser les gouvernements nationalistes bourgeois en Bolivie et au Venezuela, les soulèvements populaires au Chili et en Colombie en ont porté de nouveaux au pouvoir, l’extrême droite de Bolsonaro a été battue au Brésil et le « gauchiste » Obrador a pris ses fonctions au Mexique. Cependant, ces gouvernements, dans toutes leurs nuances, n’ont fait qu’essayer de gérer l’économie capitaliste en offrant certaines concessions au peuple, sans remettre en cause, de quelque manière que ce soit, le système lui-même.

Néanmoins, à côté du « progressisme », est apparue une coalition de droite, d’extrême droite et de néolibéraux. Le nouvel essor de ce nationalisme bourgeois a atteint ses limites très rapidement et de manière peu glorieuse. L’extrême droite revient en force en polarisant les sociétés, et ce « progressisme bourgeois » ne veut pas et ne peut pas apporter de solutions. Ces gouvernements ne pourront pas être une digue contre l’extrême droite et le fascisme. Au contraire, ils risquent de les faire progresser. L’espoir réside dans les mobilisations de la classe ouvrière et la jeunesse. Les revendications partielles ne peuvent offrir à elles seules une issue.

Malgré les faiblesses du mouvement ouvrier, et en raison de la crise profonde du système capitaliste et de son incapacité à gérer les déséquilibres et les contradictions permanentes qu’il crée, les classes dirigeantes n’ont pas été politiquement renforcées.

En Chine, le régime de Xi s’appuie de plus en plus sur le vaste appareil de surveillance et de contrôle social qu’il a mis en place.

En Russie, le pouvoir de Poutine repose sur des mécanismes de répression et un chauvinisme grand-russe généralisé, garant d’une tolérance relative et instable à l’égard de l’impérialisme russe.

L’Inde, une superpuissance potentielle, a été ébranlée par la plus grande grève de l’histoire, par des mobilisations agricoles et, surtout, par l’assaut du nationalisme hindou.

Aux États-Unis, la bourgeoisie est divisée entre une aile conservatrice républicaine et une aile démocrate, supposément progressiste.

En Europe, la Grande-Bretagne a connu depuis 2015 quatre Premiers ministres en quête de sa grandeur impériale après le Brexit, tandis que l’Allemagne et la France sont secouées par des changements géopolitiques et la montée de l’extrême droite, qui a pris pied dans de nombreux gouvernements européens.

Dans le monde développé, la bourgeoisie se tourne politiquement vers la répression et le bonapartisme, ne montrant que peu, voire aucun intérêt pour un gouvernement réformiste ou social-démocrate. Les masses, désenchantées par les politiciens traditionnels et les programmes de la gauche parlementaire en faillite, peuvent se laisser aller à l’illusion de pouvoir défier l’ordre social bourgeois par la droite. Pourtant, pour l’instant, l’extrême droite elle-même n’a ni le type d’organisation ni l’intégration idéologique dont elle a besoin pour déclencher une nouvelle vague fasciste, ce qui explique au moins en partie sa transformation en partis traditionnels systémiques. L’Aube dorée vaincue en Grèce est, jusqu’à présent, la seule tentative de créer un véritable parti fasciste. C’est lorsque les travailleurs et travailleuses se mobilisent massivement et avec une totale indépendance de classe que l’extrême droite recule.

En Afrique, les moyens de subsistance des habitants sont décidés dans les métropoles de leurs maîtres coloniaux ou néocoloniaux. La crise capitaliste multiforme frappe le continent le plus pauvre de la planète, qui est le plus durement touché par les catastrophes climatiques produites à des milliers de kilomètres de là, dans les centres impérialistes. Les politiciens corrompus, les ingérences politiques impérialistes et les seigneurs de guerre locaux n’ont offert à l’Afrique que misère, nettoyage ethnique, famines et guerres perpétuelles. L’Afrique subsaharienne est actuellement le théâtre d’un changement de garde impérialiste entre les impérialismes américain, français et russe. En plus des anciennes puissances coloniales, la Russie et la Chine sont intervenues en suivant leurs propres projets impérialistes. Les minerais, cruciaux pour l’Eldorado du capitalisme vert, sont le butin impérialiste, au même titre que d’autres formes de surexploitation du continent.

Deux guerres majeures de la période

La situation internationale est toujours marquée par les tensions entre puissances impérialistes, surtout entre les pays capitalistes les plus anciennement avancés et puissances émergentes aux positionnements stratégiques divers.

Alors que la guerre en Ukraine continue, ces derniers mois sont marqués par la guerre sans limites menée par l’État colonial israélien contre les Palestiniens et Palestiniennes de Gaza, mais aussi de Cisjordanie.

Dans ce contexte de montée des affrontements guerriers et des politiques réactionnaires, autoritaires et militaristes, notre camp, celui des opprimés et des exploités, ne reste pas passif.

C’est ce qu’a par exemple montré la grève générale argentine du 24 janvier contre le gouvernement d’extrême droite de Javier Milei. Face à ses attaques frontales contre les droits des travailleurs et travailleuses, les réglementations des prix, les services publics, l’environnement et les luttes sociales, les organisations syndicales ont été forcées par la pression de la rue et du monde du travail à appeler à la mobilisation.

Le rôle des organisations révolutionnaires est d’abord d’être présentes au sein de toutes les mobilisations, de prendre des initiatives pour les construire, les amplifier, et d’offrir ainsi à toute notre classe des perspectives d’auto-organisation, d’indépendance et de renversement de cette société.

Ce sont ces perspectives que nous voulons présenter et mettre en avant à travers notre analyse de la situation en Ukraine, et des désaccords que nous avons avec la majorité du Comité international, et en Palestine, avec le mouvement d’ampleur qui s’exprime à travers le monde.

Face au génocide à Gaza, le monde répond : « résistance ! »

Une mobilisation internationale sans précédent récent

Face à un drame et à un danger sans précédent, la mobilisation internationale est elle aussi d’une ampleur que nous n’avons pas vue depuis des années.

Si certains gouvernements ont essayé d’interdire les manifestations de solidarité avec le peuple palestinien au lendemain du 7 octobre (en France, en Allemagne, en Hongrie…), ils ne sont pas parvenus à faire taire la solidarité internationale.

En France, c’est la pression du nombre et les initiatives prises par des organisations telles que le NPA-R, qui ont permis d’imposer le droit à manifester le soutien à Gaza.

Les manifestations qui ont eu lieu sur tous les continents, dans les principales grandes villes de nombreux pays, ont pris et prennent encore des ampleurs rarement vues depuis le mouvement de 2003 contre la guerre en Irak. À Londres, notamment, elles ont réuni plusieurs centaines de milliers de personnes à plusieurs reprises. À New York, les manifestations et occupations organisées par le mouvement Jewish Voice for Peace (JVP), ont montré le rejet du soutien inconditionnel des gouvernements impérialistes à l’État israélien. En Tunisie, la mobilisation du 18 octobre a atteint une importance comparable à celle des manifestations de janvier 2011, avant la chute de Ben Ali. En Égypte, la pression populaire a permis de faire reculer le gouvernement qui voulait museler toute expression de solidarité.

L’expression d’une solidarité de classe

Si des gouvernements réactionnaires se réclamant de l’islam, comme en Turquie ou en Iran, veulent instrumentaliser le mouvement de solidarité, si des courants politiques religieux ou parfois même le clergé musulman de certains pays, comme en Égypte, cherchent à diriger et structurent en grande partie certaines de ces mobilisations, il n’en reste pas moins que la solidarité internationale qui s’exprime va bien au-delà des appartenances religieuses.

L’État israélien représente une pointe avancée de l’impérialisme occidental au Moyen-Orient, et le sort du peuple palestinien symbolise aux yeux de nombre de peuples dominés, de travailleurs et travailleuses du monde entier, le sort de l’ensemble des exploités.

Au début du mois de novembre 2023, l’Organisation des travailleurs portuaires de Barcelone (OPEB) a annoncé son refus de desservir les navires transportant du matériel de guerre à destination de l’État d’Israël. Aux États-Unis, des travailleurs et travailleuses ont bloqué pendant plusieurs heures le navire de ravitaillement militaire Cape Orlando dans les ports d’Oakland (Californie), puis de Tacoma (État de Washington), tout comme en Italie, au port de Salerne. Au Danemark, l’usine de Søborg de l’entreprise d’armement Terma, qui fabrique des équipements pour les avions de chasse F-16 et F-35 à destination de l’armée israélienne, a été bloquée, tout comme, au Royaume-Uni, à Bristol, la route menant au siège d’Elbit Systems, qui fabrique des pièces pour les drones israéliens. En Belgique, plusieurs syndicats du personnel des aéroports ont appelé à refuser de manipuler les cargaisons de matériel militaire destinées à l’État israélien.

En France, des collectifs de travailleurs et travailleuses, comme les Soignants et soignantes pour Gaza auquel participent des camarades du NPA-R, sont présents à chaque manifestation.

Ces travailleurs et travailleuses sont d’origines, de langues, de convictions religieuses diverses. Mais ce qui les unit est bien plus fort que toutes les divisions : c’est l’appartenance à une même classe sociale qui les pousse à s’identifier aux Palestiniens et Palestiniennes massacrés dans leurs maisons, dans les hôpitaux, les rues ou les écoles, avec la complicité des gouvernements qui nous oppriment et nous exploitent dans chacun de nos pays.

Nos perspectives anticapitalistes et révolutionnaires : pour le droit à l’autodétermination des peuples et pour l’indépendance politique de notre classe

La plainte déposée par l’Afrique du Sud à la Cour internationale de justice (CIJ) a suscité de nombreuses sympathies et même des espoirs au sein du mouvement de solidarité avec la population de Gaza. Mais, si le jugement de la CIJ donne raison à l’Afrique du Sud, en considérant qu’il existe bien un « risque de génocide à Gaza » et en demandant au gouvernement israélien de permettre l’entrée de l’aide humanitaire, la cour n’exige pas pour autant de cessez-le-feu !

Ce jugement illustre bien l’impasse que représentent les institutions internationales. Ces émanations des États capitalistes ne sauraient jamais en rien représenter des recours pour notre camp.

Son salut ne viendra que de lui-même, de ses luttes et de la solidarité directe entre les exploités du monde entier.

Cette perspective est à l’opposée de celles que proposent les directions nationalistes palestiniennes.

L’Autorité palestinienne, dirigée par le Fatah, cogère l’occupation de la Cisjordanie avec l’État d’Israël ! Le Fatah, symbole de la lutte armée en Palestine, en refusant d’affronter les régimes réactionnaires arabes et en choisissant la conciliation avec l’impérialisme, en refusant de s’adresser aux travailleuses et travailleurs palestiniens en dehors des frontières des territoires palestiniens, a fini par démontrer par l’échec des accords d’Oslo à quel point toute politique nationaliste bourgeoise, même laïque, est incapable d’offrir une perspective de libération aux masses palestiniennes et à la région.

Le Hamas, parti au pouvoir à Gaza depuis les élections de 2006, bien qu’il soit fortement implanté à Gaza, reste un mouvement réactionnaire petit-bourgeois et religieux. Ses dirigeants entretiennent des relations étroites et poursuivent des objectifs similaires avec les régimes théocratiques, répressifs et corrompus de la région (Iran, Qatar, Turquie). Comme tous les mouvements nationalistes bourgeois, l’objectif du Hamas est de mettre fin à l’occupation en faveur des classes dirigeantes palestiniennes et en aucun cas de mettre fin à l’exploitation des Palestiniens et Palestiniennes.

Pour autant, notre soutien à la lutte et à la résistance du peuple palestinien est inconditionnel.

Encore plus que partout ailleurs, la perspective nationaliste est vouée à l’échec. Les mouvements nationalistes du passé ont pu chasser les forces colonialistes – le Royaume-Uni en Inde et au Pakistan, la France au Vietnam ou en Algérie – et renvoyer les colons chez eux. Mais où renvoyer les colons israéliens, alors que leur métropole est elle-même constituée de territoires volés aux Palestiniens et aux Palestiniennes ?

Les prétendues « solutions à deux États » sont aujourd’hui largement reconnues comme irréalisables, puisqu’elles actent toutes la confiscation injuste des terres, l’interdiction du retour des 7 millions de réfugiés et la création d’un État en deux parties séparées, Gaza et la Cisjordanie, dont les communications seraient toujours dépendantes du bon vouloir israélien.

Ceux qui parlent encore d’une « solution à deux États », envisagent en fait au mieux l’existence de micro-territoires sous autorité palestinienne, à l’image des bantoustans, ces petits États enclavés dans l’Afrique du Sud de l’apartheid pour maintenir une main-d’œuvre noire exploitable, sous l’autorité de dirigeants complices du régime d’apartheid. Mais même cette solution n’a plus de crédibilité, alors que l’extrême droite sioniste souhaite purement se débarrasser de la présence du peuple palestinien. Cependant, on peut douter de l’endurance de l’armée israélienne ou de la capacité des États-Unis à financer une guerre prolongée tout en maintenant un front ouvert dans le Pacifique chinois. En Palestine, l’espoir réside dans la solidarité de la classe ouvrière, tant dans les métropoles impérialistes que dans le monde arabe, en faveur de la prise du pouvoir par la classe laborieuse, seule à même de faire respecter le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, de réaliser la démocratisation complète de la société, de faire cohabiter sur une même terre les opprimés et les exploités d’aujourd’hui, de leur donner un même but : l’établissement d’une société débarrassée de la domination impérialiste comme de l’exploitation capitaliste.

Aussi invraisemblable que cela puisse paraître aujourd’hui, la formation d’une entité politique unique est la seule option viable. Elle implique le démantèlement de l’État sioniste. Il faudrait donc une rupture entre la majorité de la population israélienne – qui est aussi composée de travailleurs et travailleuses exploités, souvent pauvres – et l’idéologie de sa bourgeoisie. Elle impliquerait également une rupture entre la majorité de la population palestinienne et ses dirigeants bourgeois nationalistes.

Par le passé, les prolétariats de métropoles colonialistes ont déjà cessé de soutenir les politiques de leurs États. Ces ruptures ont été consécutives aux luttes des peuples colonisés et aux victimes trop nombreuses que provoquaient les guerres coloniales ou impérialistes, comme en Algérie ou au Vietnam.

C’est donc bien pour cela que notre soutien au droit à l’autodétermination et à la résistance du peuple palestinien est inconditionnel.

Mais cette politique ne saurait être complète si le mouvement national de résistance ne cherche pas à s’adresser au prolétariat de toute la région du Proche-Orient, celui des pays arabes voisins où vit la majorité de la population palestinienne, mais aussi, et même en premier chef, au prolétariat israélien.

Nous participons à cette lutte sous le programme de la révolution sociale et le drapeau de l’internationalisme prolétarien.

Nous ne prétendons pas connaître à l’avance le déroulé d’un mouvement victorieux et la forme que prendrait le pouvoir issu de ce mouvement. Mais, en Palestine comme partout ailleurs, notre perspective reste l’union des prolétaires de tous les pays pour détruire les États bourgeois et les remplacer par leur pouvoir, afin de construire une société communiste.

Enfin, du fait du rôle particulier qu’occupe l’État israélien, comme relais des intérêts des pays impérialistes occidentaux au Moyen-Orient, la perspective de sa disparition ne se réalisera pas sans un large mouvement international de lutte contre les complicités criminelles des autres gouvernements. Dénoncer les pays impérialistes est la première de nos tâches dans les manifestations, notamment pour ceux et celles qui y vivent et y militent.

Voilà la politique que nous adressons, pédagogiquement et en partant de notre soutien aux Palestiniens et aux Palestiniennes, à ceux et celles que nous rencontrons dans les mobilisations.

Ukraine : le rôle des luttes face à la guerre et aux gouvernements

L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a marqué un nouvel épisode de tensions des relations internationales. Si c’est bien l’impérialisme russe qui a envoyé ses troupes à l’attaque de l’Ukraine, il s’agit avant tout pour ce dernier de défendre ce qu’il considère comme sa propre zone d’influence face à l’expansionnisme et l’agressivité de l’impérialisme américain. L’impérialisme US s’est d’ailleurs très bien accommodé de cette guerre qui dure maintenant depuis deux ans. Après avoir fourni armes et munitions massivement à l’Ukraine, sans toutefois que cela suffise à repousser les troupes russes, les sphères dirigeantes de l’impérialisme américain semblent maintenant vouloir mettre la pédale douce sur ces livraisons. Pendant ces deux années, les États-Unis ont pu déployer des troupes de manière historique sur le continent européen, relancer les carnets de commande de l’industrie militaire américaine, débrancher le gaz russe et pousser les États européens à se livrer en gaz américain. Jamais les États-Unis ni les autres États impérialistes ne se sont souciés du sort du peuple ukrainien.

Pour notre part, nous réaffirmons, en partant de la grille d’analyse tracée par Lénine, ce que nous avons affirmé depuis le début : « Pour le marxiste, l’important est de savoir dans quel but est menée la guerre actuelle, au cours de laquelle tantôt l’une tantôt l’autre armée peut être victorieuse. » (Lénine, À propos de l’économisme impérialiste). Une guerre n’est « véritablement nationale » que si « à la base », elle repose sur « un long processus de mouvements nationaux de masse, de renversement de l’oppression nationale » (ibid.). Ce n’est nullement le cas en Ukraine. Oui, nous soutenons le droit des Ukrainiens et Ukrainiennes à l’autodétermination, mais le caractère dominant reste plus que jamais celui de la confrontation inter-impérialiste. L’armée ukrainienne n’est pas une armée populaire de libération, c’est une armée bourgeoise armée de pied en cap par l’Otan et les impérialismes occidentaux. Le tout récent scandale qui vient d’éclater, visant des responsables militaires ukrainiens et des dirigeants d’entreprises qui auraient détourné 40 millions de dollars dans le cadre d’un achat d’armement, en plein guerre avec la Russie, vient crûment rappeler cette réalité. Soutenir les livraisons d’armes, c’est soutenir un camp contre l’autre, c’est faire croire que l’avenir de la classe ouvrière peut dépendre de la victoire de tel ou tel bloc impérialiste.

Comme Lénine, nous rappelons la « nécessité de subordonner la lutte pour cette revendication, comme pour toutes les revendications fondamentales de la démocratie politique, à la lutte révolutionnaire de masse directement orientée vers le renversement des gouvernements bourgeois et la réalisation du socialisme. » (La Révolution socialiste et le droit des nations à disposer d’elles-mêmes). Cela signifie que nous luttons pour l’indépendance politique totale de classe ouvrière vis-à-vis de Zelensky et de tous les nationalistes bourgeois. Nous ne cherchons pas à le conseiller, nous le combattons. Nous soutenons les manifestations de femmes ukrainiennes réclamant le retour des hommes du front. Nous soutenons le retour des grèves, dans le secteur de la santé, chez les cheminots, dans la jeunesse étudiante… Ces forces-là seules sont celles qui peuvent mettre fin à la barbarie actuelle.

De même que, de l’autre côté de la frontière, les femmes qui, défiant le régime de Poutine, osent manifester pour le retour des hommes mobilisés, représentent un espoir considérable. Contrairement au dessin qui en est fait dans la presse capitaliste occidentale, la société russe est loin d’être monolithique. Car elle aussi est divisée en classes aux intérêts antagonistes. Preuve en sont les nouvelles manifestations importantes au Bachkortostan pour exiger la libération de Faïl Alsynov, militant écologiste condamné à quatre ans de prison pour « haine raciale », pour avoir dénoncé un projet d’exploitation minière. Faïl Alsynov avait également dénoncé la campagne de mobilisation lancée par Poutine, et qui cible particulièrement les minorités nationales, ici les Bachkirs. Ces manifestations font écho aux manifestations contre cette mobilisation qui avaient éclaté en septembre 2022, notamment au Daghestan.

Tout cela nous amène à rappeler ce que nous écrivions en mars 2022 :

La première tâche des marxistes-révolutionnaires dans la période qui voit la multiplication des affrontements militaires et le risque grandissant d’un conflit généralisé, est la construction d’un mouvement international contre la guerre et pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Les mots d’ordre que les communistes révolutionnaires doivent défendre dans un tel mouvement anti-guerre sont les suivants :

– Non à la guerre impérialiste en Ukraine !

– Retrait immédiat des troupes russes ! Retrait immédiat des troupes et des fonctionnaires de l’OTAN d’Europe de l’Est ! Toutes les armées impérialistes hors d’Ukraine et d’Europe de l’Est !

– Pas un centime, pas un soldat, pas une arme pour la guerre en Ukraine. Contre toute intervention de nos propres impérialismes ! Non à l’unité nationale derrière notre propre impérialisme ou bourgeoisie !

– Solidarité avec le mouvement anti-guerre en Russie, en Ukraine et en Occident ! Libération de tous les manifestants emprisonnés en Russie !

– Ouverture des frontières et accueil de tous les réfugiés, quel que soit leur pays d’origine ! Non au tri raciste entre « bons » et « mauvais » migrants !

TIR