Nicaragua: La Révolution sandiniste

En juillet 1979 au Nicaragua, le Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN) renversait la dictature de Somoza au travers d’une combinaison entre une guerre de guérilla de longue durée et d’une insurrection urbaine finale. Un processus de révolution permanente socialiste s’ouvrait de nouveau en Amérique latine, vingt ans après Cuba. Mais après avoir initié une série de réformes sociales radicales (nationalisations, réforme agraire, alphabétisation), le nouveau régime s’est immédiatement heurté à l’hostilité des Etats-Unis qui ont gracieusement financé et armé la contre-révolution incarnée par la “ contra “. Cette guerre contre-révolutionnaire ouverte allait provoquer 50.000 victimes et dévier la majeure partie des maigres ressources du pays. En 1990, épuisé par cette guerre, le FSLN perdait les élections en faveur d’une formation bourgeoise emmenée par Violetta Chamorro qui n’a eu de cesse que de liquider les acquis du sandinisme. Résultat, aujourd’hui, le Nicaragua est le second pays le plus pauvre du continent latino-américain. Un quart des personnes en âge de travailler n’a pas d’emploi. Les deux tiers des chômeurs ne bénéficient d’aucune forme d’allocations de chômage et survivent dans le secteur informel. 60% de la population a un revenu inférieur à 1 euro par jour. Le taux d’analphabétisme, qui avait été réduit de 50 à 12% sous le sandinisme, est aujourd’hui remonté à près de 50%. Fin 1979, lors de son XIe Congrès Mondial, la IVe Internationale adoptait un document qui analysait le processus de la révolution nicaraguayenne. Extraits.

Le renversement révolutionnaire de la dictature de Somoza, en juillet 1979, constitue le coup le plus grave porté à l’impérialisme américain en Amérique latine depuis la montée de la révolution cubaine, en 1959. La victoire sur le régime Somoza des masses nicaraguayennes, dirigées par le Front Sandiniste de libération nationale (FSLN), possède une grande force d’attraction sur les travailleurs, les paysans et les révolutionnaires de toute l’Amérique latine. Les stratèges et politiciens impérialistes feront tout pour canaliser, puis briser la révolution en marche au Nicaragua.

 

L’agonie du somozisme s’est prolongée durant près de deux ans. Depuis septembre 1977, progressivement, les actions de guérilla, les grèves, les manifestations, les soulèvements urbains se sont multipliés et ont culminé dans une insurrection populaire s’étendant sur un mois et demi.

Cette activité du mouvement de masse, son degré d’organisation comme ses objectifs, témoignent de sa tendance à affirmer son rôle indépendant, à ne pas se subordonner aux exigences de classe de la bourgeoisie d’opposition. Cette dernière concentrera toute son énergie pour trouver une solution négociée à la crise du somozisme, afin d’assurer au-delà de quelques mutations, la continuité des structures étatiques, avant tout de la Garde nationale (GN).

L’Etat somoziste était largement la création de l’impérialisme américain. Présents militairement au Nicaragua depuis 1911, les Etats-Unis placèrent, en 1933, Anastasio Somoza Garcia à la tête de la GN. En 1936, par le biais d’un coup de force ratifié par des élections frauduleuses, celui-ci accéda à la présidence. En septembre 1977, le régime somoziste était politiquement isolé au niveau national et son déclin sur le plan international s’accélérait. De la fin 1977 à la fin 1978, les différentes fractions de la bourgeoisie d’opposition cherchèrent en vain à coiffer le mouvement de masse tout en multipliant les initiatives visant à obtenir le départ de Somoza et de ses proches.

Le 10 janvier 1978. l’assassinat par les somozistes de Pedro Joaquin Chamorro Cardenal, propriétaire du grand quotidien La Prensa, déclencha un processus cumulatif. La bourgeoisie d’opposition et l’impérialisme se virent privés d’une direction alternative à Somoza disposant d’une audience dans des couches amples de la petite-bourgeoisie et y compris parmi les masses populaires. Chamorro, depuis 1974, avait réuni au sein de l’Union démocratique de libération (UDEL) des secteurs significatifs de la bourgeoisie, sa disparition accentuait la crise et rendait plus délicat l’endiguement du mouvement des masses.

L’UDEL lança un appel, le 24 janvier, à une “grève des employeurs”, qui paralysa une grande partie de l’économie. Malgré la répression, les manifestations de rue se développèrent à Matagalpa et à Managua, où le FSLN affirma sa présence politique. 

Sous l’aiguillon de l’activité des masses et du prestige grandissant du FSLN, la bourgeoisie d’opposition réorganisa ses forces et chercha à nouveau à négocier le départ du dictateur. En juillet 1978, fut créé le Front ample d’opposition (FAO) qui incluait, entre autres, le Mouvement démocratique nicaraguayen (MDN) d’Alfonso Robelo Callejas, l’UDEL, le Groupe des douze (personnalités liées à l’industrie, au commerce et aux professions libérales). Ce dernier groupe avait des liens avec un courant du FSLN, la Tendance “tercériste”; il voyait dans la lutte armée le moyen le plus sûr pour contraindre Somoza à se retirer et était favorable à la constitution d’un gouvernement intégrant le FSLN. Les deux fractions du Parti socialiste nicaraguayen (PSN), parti stalinien, participèrent aussi au FAO. L’Eglise catholique prit position ouvertement en faveur du retrait de Somoza.

Mais la résistance de Somoza - qui utilisait l’autonomie relative que lui conférait une domination vieille de plusieurs décennies sur l’appareil d’Etat, l’armée et une partie de l’économie du pays - mit l’opposition bourgeoise dans une position difficile. Ceci d’autant plus que les actions armées du FSLN en faisait aux yeux des masses le seul pôle se situant clairement en dehors des tractations pour la succession du régime et décidé à en découdre avec Somoza.

Le FAO, acculé, lança un nouvel appel à l’interruption de toute activité économique. Le 25 août, l’association des industriels - à la différence de la grève de protestation de mars appelée par l’UDEL - suivit le mouvement. Ses conséquences furent triples : la crise économique s’approfondit et les travailleurs furent les premiers à en payer le prix, ce qui accentua le clivage de classe dans le front anti-somoziste; le mouvement de masse fit preuve d’une indépendance grandissante face à la direction bourgeoise en comparaison avec la “grève patronale” de janvier; sur cet élan le FSLN lança son offensive militaire du 9 septembre entre autres sur les villes de Léon, Esteli, Masaya, Chinandega, où les soulèvements populaires aboutirent à une prise en mains de ces localités par la population.

La contre-attaque de la GN fut vive et brutale, sa victoire militaire se confirma fin septembre. Elle déchaîna un véritable massacre contre la jeunesse et tous ceux qui étaient suspectés de sympathie envers les sandinistes. Mais les forces du FSLN ne furent pas liquidées. Elles grossirent sous l’afflux des centaines de jeunes qui rejoignaient leur combat pour échapper à la répression et venger ceux qui étaient tombés. L’insurrection populaire, combinée à la lutte armée, apparut à tous les courants du FSLN et à de larges secteurs des masses comme la voie à suivre pour se défaire de la tyrannie. Somoza avait gagné une bataille militaire, mais politiquement, il en ressortait affaibli et très isolé sur le plan international. La bourgeoisie d’opposition tenta d’utiliser cette faiblesse aussi bien que le recul momentané des masses pour s’engager à nouveau dans une dernière négociation en vue d’établir ce que le FSLN qualifia de “somózisme sans Somoza”.

Sous l’égide d’une commission de médiation - au sein de laquelle les Etats-Unis étaient flanqués du Guatemala et de la République dominicaine - le FAO engagea le “dialogue” avec la dictature. L’intervention directe de l’impérialisme américain dans ces négociations conduisit, en octobre 1978, la Tendance “tercériste” du FSLN à prendre l’initiative de refuser la médiation et à rompre ses relations avec le FAO. Elle fut suivie par le “Groupe des douze”. Le “dialogue” avec la dictature échoua au milieu de janvier 1979, malgré les multiples concessions faites par le FAO.

Une nouvelle étape dans l’organisation du front anti-somoziste s’ouvrit après cette rupture. Le Front Patriotique National (FPN) fut constitué. La direction bourgeoise du front antisomoziste perdait du terrain. Dans le FPN se trouvaient réunies quelques formations bourgeoises mineures. Le Groupe des douze, le Mouvement peuple uni (MPU), qui rassemblait des organisations de masses diverses, souvent influencées par le FSLN et, de façon significative, les confédérations syndicales.

Le 10 janvier 1979, premier anniversaire de l’assassinat de Chamorro, à l’appel du FPN, plusieurs dizaines de milliers de manifestants descendaient dans les rues de Managua. L’après-midi, les travailleurs se mirent en grève jusqu’à la fin de la journée.

Trois changements sous-tendaient cette nouvelle phase de la lutte : premièrement, les objectifs du FPN prenaient en charge plus directement les revendications des masses populaires frappées par la crise et demandaient pour la première fois l’expropriation des biens de la clique Somoza ainsi que la dissolution de la GN; deuxièmement, l’organisation politique du mouvement de masse par le FSLN se consolidait avec la création du MPU et préparait ainsi l’organisation de comités populaires; troisièmement, la convergence entre les différentes tendances du FSLN fut rendue plus aisée à partir de la rupture des “tercéristes” avec le FAO. Le mouvement contre Somoza combinait à nouveau de manière indissociable le combat anti-dictatorial et anti-impérialiste. Les conditions de l’insurrection généralisée mûrissaient.

Le renversement révolutionnaire du régime somoziste par une grève générale qui se transforma en une insurrection dans les principales villes du pays fut préparé et précédé par une offensive militaire d’ensemble lancée par le FSLN. Dans les derniers mois précédant la chute du régime, les occupations de terres, les grèves générales, les soulèvements urbains, conjugés avec les attaques militaires des villes par le FSLN et les opérations de ses colonnes de guérilleros, exprimaient l’entrée conjointe dans une lutte frontale contre Somoza des couches sociales exploitées et opprimées qui furent le moteur de la révolution nicaraguayenne.

Les deux années de combat ouvert contre la dictature agiront comme un puissant stimulant sur le développement du niveau de conscience des masses. Le processus d’auto-organisation sous la forme de Comités de quartiers ou d’organes d’auto-défense imprima un signe distinctif sur les dix derniers mois de la lutte. Il fut un facteur du déclenchement de la dynamique de révolution permanente.

Fin mai 1979, le FSLN lance une nouvelle vague d’attaques militaires. Il ouvre plusieurs fronts, ce qui tend à disperser les forces de la GN et à diminuer le contrôle de l’appareil de répression sur les villes.

Le 4 juin, la grève générale, appelée cette fois par le FSLN paralysait tout le pays. Dans les jours qui suivirent, des insurrections éclatèrent dans les villes de Chinandega, Leon, Matagalpa, Esteli, Masaya, Granada et Carazo. En fait, depuis le mois de mars, la direction du FSLN préparait avec soin cette insurrection : les Comités de défense civile (CDC) entreprirent une campagne politique et de préparation des masses à l’insurrection. Elle répondait ainsi à une des faiblesses constatées par le FSLN en septembre 1978. Les CDC devaient permettre d’intégrer des secteurs croissant des masses dans l’organisation de l’insurrection. Les CDC devaient collecter le matériel nécessaire à la construction des barricades ainsi que des munitions diverses (cocktails Molotov, explosifs), créer des groupes de surveillance dans les quartiers, mettre en place des dispensaires et infirmeries clandestines et leur procurer des médicaments, établir des maisons opérationnelles et des imprimeries secrètes dotées d’un matériel d’impression sommaire, assurer les liens avec les unités du FSLN et les approvisionner, informer le FSLN sur les déplacements de la GN et sur les activités des partisans de Somoza.

Dans des entreprises surgirent des Comités de défense des travailleurs (CDT) qui devaient prendre le contrôle des fabriques ayant une importance stratégique, aider à la fabrication de l’armement, tenter de contrôler les moyens de communication, établir des liens entre les travailleurs et la population des quartiers. Dans les haciendas, des Comités se développèrent aussi.

Un mouvement insurrectionnel spontané se déclencha le 10 juin, dans les principaux quartiers populaires de Managua. Des “zones libérées” surgirent dans la capitale. La GN dut y concentrer des forces plus importantes, ce qui facilita les opérations militaires du FSLN sur les divers fronts et l’avance de ses troupes du front nord vers la capitale. 

Le 17 juin, se constitua la Junte de Gouvernement de reconstruction nationale du Nicaragua (GRNN). Ce gouvernement de coalition avec un secteur de la bourgeoisie reflétait essentiellement le regroupement des forces opéré dans le FPN; ses cinq membres étaient : Violeta de Chamorro, la veuve de Pedro Joaquin Chamorro (dirigeant de l’UDEL), Sergio Ramirez Mercado (un des membres du Groupe des douze), Alfonso Robelo Callejas (industriel et initiateur du MDN), Daniel Ortega (représentant le FSLN) et Moises Hassan (représentant le MPU).

Le 24 juin, l’OEA déclara son opposition à Somoza dont l’isolement sur le plan national était symbolisé par son “bunker”. Internationalement, il ne trouvait d’appui qu’auprès des dictatures du Chili, de l’Uruguay, d’Argentine, du Paraguay, du Honduras, du Salvador et du Guatemala. Israël lui livrait des armes. L’impérialisme ne prit quelque distance avec Somoza qu’avec réticences et hésitations. 

Les bourgeoisies nationales du Venezuela, du Mexique, du Costa Rica et de Panama, avec le consentement de l’impérialisme américain, firent tout leur possible pour que le déroulement de la guerre civile ne brise pas la continuité institutionnelle de l’Etat et pour qu’un secteur de la GN fusionne avec les troupes “régulières” du FSLN. Dans cette perspective, ils reconnurent le GRNN.

Une dualité de pouvoir prit forme au Nicaragua. Les CDC, dans les villes libérées, devinrent des organes de pouvoir populaire, ils se substituèrent aux structures administratives du régime somoziste qui ont éclaté. Ils remplirent de multiples tâches liées à la distribution des vivres, à l’organisation des soins, au maintien de l’ordre, à la neutralisation des somozistes, à l’administration minimale de la ville.

Des milices populaires se formèrent au cours de l’insurrection - elles apparurent aussi dans quelques régions rurales - et renforcèrent le potentiel militaire du FSLN, quand bien même elles ne disposaient que d’un armement artisanal. Si elles surgirent spontanément à partir des besoins de la résistance aux contre-attaques de la GN, elles furent généralement encadrées par des membres du FSLN et se mirent sous le commandement du Front. Elles apparurent sous des sigles divers : Comités d’action populaire (CAP), Commandos révolutionnaires du peuple (CRP), Brigades révolutionnaires de la jeunesse (BRJ).

Enfin, les troupes régulières du FSLN se renforcèrent. Sur les fronts nord et sud, les forces du FSLN revêtaient de plus en plus les traits d’une armée régulière dont l’armement permit un affrontement à un niveau supérieur avec la GN. Cette dernière possédait un noyau dur de quelque 7.000 hommes, alors qu’un recrutement forcé, depuis septembre 1978, en avait porté le nombre à 15.000. Par contre, les troupes du FSLN, disposant d’un armement de guerre léger, ne dépassaient pas de beaucoup les 5.000 hommes, auxquels venaient s’ajouter les quelques milliers de combattants, souvent très jeunes, des villes. La synchronisation des insurrections urbaines, la résistance farouche de la population des quartiers populaires de Managua, les attaques coordonnées du FSLN sur divers fronts contraignaient de plus en plus la GN, dont le moral s’effondrait, à des tâches de stricte défense de ses casernes et du “bunker”.

La fuite de Somoza, le 17 juillet, ouvrit la phase finale du renversement du régime. Le somoziste Francisco Urcuyo, député du Congres, devait transférer le pouvoir à la Junte du GRNN. Mais avant tout, il devait permettre - selon les plans américains - une transition assurant une place à la GN, ou du moins à une fraction importante de cette dernière, dans l’organisation militaire du nouveau régime. Ses appels pour que les combattants déposent les armes, comme sa volonté proclamée de rester en place jusqu’au terme des élections présidentielles de 1981 provoquèrent une vive réaction du FSLN et firent s’écrouler le château de cartes du “changement dans la continuité”.

Le FSLN lança une nouvelle offensive militaire pour chasser Urcuyo. La population de Managua se souleva à nouveau massivement. Miliciens et habitants des quartiers populaires s’emparèrent du “bunker”, se répartirent les dizaines de milliers d’armes de guerre qu’ils y récupérèrent. La GN vola en éclats. Une grande partie s’enfuit avec armes et bagages, vers le Honduras le Guatemala et le Salvador. Les troupes du FSLN entrèrent dans la capitale et permirent l’installation de la Junte de GRNN à Managua.

Le FSLN a hérité d’un pays exsangue : environ 40.000 personnes ont été tuées durant la guerre civile. Les blessés se comptent au nombre de 80.000. Une partie des infrastructures sociales (écoles, hôpitaux) a été détruite. L’appareil de production est fortement endommagé et beaucoup d’entreprises ont vu leurs activités interrompues.

Qui étaient les sandinistes?

Le sandinisme donnait une cohésion idéologique et politique au combat contre la dictature. Le combat militaire, de 1927 à 1933, d'Augusto Cesar Sandino contre l'impérialisme s'identifiait avec la lutte contre la dictature installée par les "marines". Lutte anti-impérialiste, lutte anti-dictatoriale, lutte armée correspondaient donc à un clivage de classe et recouvraient les traits essentiels du sandinisme, un nationalisme révolutionnaire d'origine petite-bourgeoise mais dont les racines populaires sont très profondes. 

Le FSLN, dès sa création en 1961, sous l'impact de la révolution socialiste cubaine, a su capter en faveur de son combat la tradition de ce mouvement anti-impérialiste radical ce qui lui donne une physionomie particulière en comparaison avec d'autres mouvements de lutte armée qui surgissent en Amérique latine à la même époque. 

La division du FSLN en trois tendances (qui possédaient chacune leur propre organisation), dès 1975, révéla l'acuité des débats sur les modalités de lutte contre la dictature. Cependant leur contenu traduisait la maturation des conditions objectives favorisant le combat pour le renversement de Somoza. Ces discussions portaient en effet sur les relations entre la lutte armée et la mobilisation des masses. Le rôle respectif des mobilisations des masses urbaines et de celles de la paysannerie, la place et la portée de la radicalisation de fractions de la petite-bourgeoisie, les rapports entre le travail militaire et le travail politique, la fonction et l'importance des accords avec la bourgeoisie d'opposition.

Deux tendances se réclamaient du marxisme : la tendance "guerre populaire prolongée" et la tendance "prolétarienne" (marxiste-léniniste). La première, en faisant référence à l'expérience chinoise, mais avant tout vietnamienne, envisageait une guerre de libération de longue durée qui s'appuierait sur une forte implantation dans les zones rurales et pourrait alors porter des coups décisifs aux villes. La seconde mettait l'accent sur le travail urbain, avant tout au niveau des quartiers populaires, sur l'implantation dans le mouvement ouvrier. Le mouvement étudiant et le mouvement des femmes, ceci comme préparation à un mouvement d'insurrection urbaine se combinant avec des actions armées du FSLN. Elle était la plus réticente envers une politique d'alliances avec la bourgeoisie et ne ménageait pas ses critiques à la troisième tendance : les "tercéristes". Ces derniers représentaient la force numérique-ment la plus importante, ils furent les plus actifs, sur le plan des coups de mains militaires et aussi les plus engagés dans les rapports avec des secteurs de la bourgeoisie réunis dans le FAO. Une partie de leur direction avait des liens avec la IIe Internationale.

Aucune des trois tendances n'exprimait une claire compréhension de la dynamique de révolution permanente qu'ouvrirait le renversement révolutionnaire de la dictature; alors que certains se faisaient les avocats de la nécessité de limiter les objectifs de la lutte à l'établissement d'une "étape démocratique bourgeoise", d'autres l'envisageaient simplement comme un passage intermédiaire sur la voie de la révolution socialiste. Le débat politique que menèrent ces tendances favorisa la maturation politique du Front dans son ensemble. Une importante transformation intervint dans le FSLN à la suite de son unification, en décembre 1978. 

Selon la déclaration commune du FSLN, elle était destinée à "garantir que notre peuple ne soit pas dépossédé de sa lutte héroïque par les manoeuvres de l'impérialisme yankee et des secteurs de la bourgeoisie locale prête à vendre la patrie".

Résolution du XIe Congrès mondial de la IVe Internationale, décembre 1979

Fourth International