Il y a 2 ans, une semaine après la grande manifestation de Kherrata, le peuple algérien adhérait au fil des semaines, dans sa majorité à partir du 22 février 2019, au soulèvement national contre le 5ème mandat de l’autocrate Bouteflika, et pour imposer le respect des libertés démocratiques et la consécration de la souveraineté populaire.
Mais, dans le fond, comme l’attestent les slogans politiques et la composante sociale des millions de manifestants et de manifestantes, il s’agissait aussi d’un soulèvement inédit par son ampleur contre la précarité et les inégalités sociales, contre le chômage et la paupérisation, contre l’oligarchie prédatrice et la corruption, contre la soumission de notre économie et nos richesses nationales aux intérêts du patronat privé et des puissances impérialistes. Autrement dit, c’est un soulèvement contre le désastre engendré par des décennies de politiques économiques libérales qui ont détruit notre économie nationale, aggravé notre dépendance des importations et obscurci les horizons du développement économique et du progrès social de notre pays. C’est d’ailleurs le sens évident des mots d’ordre radicaux les plus populaires du Hirak, tels que « Yatna7aw Ga3 ! » et « K’litou El Blad Ya Essrakine ! », qui exprimaient un rejet sans équivoque de tout le système et ses factions et qui traduisaient objectivement la nature sociale et le potentiel révolutionnaire de notre Hirak.
Certes, l’irruption de la pandémie du Covid-19 a stoppé les manifestations populaires qui se maintenaient durant une année dans plusieurs villes du pays, notamment dans la capitale. Mais, bien avant, les signes d’essoufflement de notre Hirak étaient devenus perceptibles. Sans projet politique clair élaboré démocratiquement et sans auto-organisation démocratique à la base, notre Hirak s’affaiblissait face à la répression et le musellement des libertés démocratiques. En effet, dès les premiers mois de notre soulèvement, surtout après l’impact positif de la grève générale partielle de mars 2019, qui avait d’ailleurs contraint Bouteflika et sa bande à jeter l’éponge, il nous fallait renforcer la jonction stratégique avec les grèves et les luttes ouvrières et les revendications sociales de la jeunesse et des démunis. Cela nous aurait donné la possibilité de maintenir le rapport de force en notre faveur par le recours à la grève générale et la mobilisation massive et permanente des travailleurs et de tous les opprimés. Il nous fallait aussi mettre en place les structures d’une auto-organisation démocratique et mixte à la base pour coordonner nos actions, empêcher toute récupération opportuniste du mouvement et organiser l’indispensable débat démocratique au sein du peuple. Cela nous aurait aidé à mieux résister face à la répression et à empêcher les subterfuges permettant la continuité du régime, et nous aurait permis par ailleurs de formuler et d’adopter au niveau populaire un projet politique révolutionnaire alternatif qui traduirait toutes nos aspirations démocratiques et sociales.
Cette fragilité de notre Hirak a facilité, au moins depuis la présidentielle avortée de juillet 2019, l’accélération du processus de restauration du régime, assurée notamment par le retour de l’armée au centre de la décision politique au sein du pouvoir. Malgré un taux de participation insignifiant à l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, le pouvoir de fait qui en est issu a renforcé la continuité du système. La promulgation de la nouvelle constitution, en dépit du fiasco du référendum du 1er novembre 2020, comme les annonces faites par Tebboune relatives à l’organisation de législatives anticipées dans les mois à venir, font partie de cette même stratégie de légitimation du pouvoir de fait dans le but d’assurer la continuité du même régime oligarchique et libéral, antidémocratique et anti social avec un habillage institutionnel renouvelé.
Teboune n’a que la continuité du régime à offrir !
Comme l’atteste son dernier discours, à part la libération incomplète des détenus politiques du Hirak, et ce grâce à la mobilisation et à la solidarité de tous, Teboune n’avait rien à dire et rien à offrir dans ce contexte de pandémie aux centaines de milliers de travailleurs et de travailleuses algériens qui ont perdu leurs emplois. Il n’avait rien à dire et rien à offrir non plus, aux citoyens et aux citoyennes qui vivent une chute historique et inédite de leur pouvoir d’achat du fait de l’inflation et d’une politique de dévaluation quasi permanente du dinar. Et encore rien à dire aux jeunes livrés au chômage, à la Harga et au désespoir. Pire, Teboune s’est livré à une indécente auto glorification en se référant à la misérable et insultante augmentation de 2000 DA du SNMG, concédée en 2020, alors que celle-ci maintient toujours la moyenne des salaires en Algérie à son niveau reconnu le plus bas dans le bassin méditerranéen. Il n’avait non plus rien à dire aux centaines de milliers de travailleurs en grève pour non perception de leurs maigres salaires pendant plusieurs mois, ou pour les travailleurs qui se battent pour la sauvegarde de leurs entreprises asphyxiées par les banques et menacées de fermeture, ou encore à ceux qui luttent pour la défense des libertés syndicales ouvertement remises en causes par les oligarques et les patrons privés.
Face à cet état de fait, le Parti Socialiste des Travailleurs (PST) appelle, en ce deuxième anniversaire de notre Hirak, à la mobilisation la plus large pour la participation aux manifestations et aux rassemblements populaires.
A cet effet, le PST appelle en priorité à la libération immédiate de tous les autres détenus politiques et d’opinion et à levée immédiate de toutes les entraves à l’exercice effectif des libertés et des droits démocratiques, notamment les libertés d’expression, de réunion, d’organisation, de manifestations ainsi que les libertés syndicales et le droit de grève. Dans cette perspective, le PST encourage et participe à toutes les initiatives unitaires permettant l’émergence d’un front ponctuel des forces démocratiques.
Aussi, le PST considère qu’il est impératif, pour la survie et le renforcement de notre Hirak populaire, de faire jonction avec les luttes et les revendications sociales et économiques des travailleurs, des chômeurs et de tous les démunis qui, malgré la pandémie et la répression, ont maintenu la permanence et la combativité du Hirak. Car, la souveraineté populaire n’aura tout son sens que si elle s’exerce notamment sur les choix économiques et sociaux de notre pays, conformément aux aspirations et aux besoins de la majorité de notre peuple et non pas au profit d’une infime minorité d’oligarques, de patrons privés et de multinationales.
Par ailleurs, le PST réitère son appel, à l’occasion de ce deuxième anniversaire de notre Hirak, pour la construction de l’indispensable et stratégique auto-organisation populaire à la base. Il nous faut mettre en place partout, dans les villes et dans les campagnes, dans les quartiers et dans les villages, sur les lieux de travail et d’étude et dans tous les autres espaces sociaux les noyaux de l’auto-organisation populaire, démocratique et autonome. C’est en développant ces cadres d’auto-organisation à la base (Comité, collectif, réseau, etc.) et en les coordonnant localement et au niveau national que notre Hirak résistera à la répression et aux tentatives de sa récupération d’une part et organisera, d’autre part, le débat démocratique permettant au peuple de participer directement et sans entrave ou tuteur à l’élaboration et l’adoption du projet politique alternatif correspondant à ses revendications et ses aspirations démocratiques et sociales.
Enfin, pour le PST la réalisation de ces préalables, c'est-à-dire la jonction avec les luttes sociales et l’auto-organisation à la base, aideront à la cristallisation d’une large « Convergence Démocratique, Anti-libérale et Anti-impérialiste » qui sera indispensable dans la construction du rapport de force en faveur des travailleurs, des jeunes, des femmes, des petits paysans et de tous les opprimés, dans la bataille de l’élection d’une Assemblée Constituante Souveraine et représentative réellement des intérêts des masses populaires. C’est à cette assemblée, élue dans les conditions les plus démocratiques possibles, dans la parité entre les hommes et les femmes, sans aucune entrave et sans l’interférence de la force de l’argent, que reviendra la mission de l’élaboration de notre nouvelle Constitution démocratique et sociale et qui sera présentée au vote populaire.
Vive notre Hirak populaire ! La lutte continue !
Le Secrétariat National à Alger, le 20 février 2021