La signification du 16e Congrès de la Quatrième Internationale

Les congrès mondiaux sont toujours des moments importants dans l’histoire de la IVe Internationale. Les délégués de toutes les organisations, courants, et militants se retrouvent pour faire le point sur la situation internationale, des questions-clés du programme marxiste révolutionnaire, des expériences significatives et diverses de construction de partis anticapitalistes, socialistes et révolutionnaires.

Le 16e Congrès de la IVe Internationale, qui se tiendra en février 2010, constitue déjà un évènement pour les marxistes révolutionnaires. Des délégations, d’une soixantaine de pays, de tous les continents seront présents. Témoin des capacités de la IVe Internationale à participer à des processus unitaires et au débat politique pluraliste dans la gauche radicale, ce congrès réunira aussi un nombre important d’organisations invitées, non-membres de la IVe Internationale.

Il se situe à un moment particulier de la situation mondiale marqué par une crise globale, une « crise de civilisation » du monde capitaliste. Une crise qui combine dimension économique, sociale, écologique, alimentaire, bref une crise qui montre, chaque jour, le coût humain de plus en plus élevé du fonctionnement du système capitaliste. Le fiasco du somment de Copenhague en donne une illustration frappante. Contrairement à tous les chantres du « capitalisme vert » ou de la « refondation écologiste du capitalisme », la logique essentielle du système, à savoir la recherche du profit, s’oppose aux intérêts fondamentaux des peuples et des travailleurs du monde. Une des tâches de ce prochain congrès sera de revenir sur les développements actuels de la crise économique mondiale et d’actualiser un programme de transition face à la crise capitaliste.

Ce travail programmatique trouvera de nouvelles dimensions, justement face à la déchirure écologique de la planète. C’est le sens de la présentation à la discussion d’une résolution sur la crise écologique et les grands axes d’une « réponse écosocialiste ». Cette volonté d’actualisation ou d’innovation programmatique dans le cadre des références générales au marxisme révolutionnaire est une des qualités du courant marxiste révolutionnaire représenté par la IVe Internationale. Cette réactivité dans l’élaboration a été d’un apport fondamental pour analyser les développements du capitalisme dans l’après deuxième guerre mondiale, pour saisir les dynamiques des révolutions des années 1960 et 1970, pour orienter les marxistes révolutionnaires dans les luttes contre l’oppression des femmes, des lesbiennes et homosexuels, pour comprendre les grands traits de la nouvelle période historique déterminée par la globalisation capitaliste , la chute du stalinisme, l’évolution sociale-libérale et les modifications structurelles que connaît le mouvement ouvrier dans les pays capitalistes développés.

C’est dans ce cadre que le prochain congrès sera un des lieux d’échanges sur de nouvelles expériences de construction de mouvements, courants révolutionnaires ou partis anticapitalistes au sens large. L’appartenance à un courant international qui a assuré une certaine continuité historique dans la lutte contre le système capitaliste mais aussi contre tous les systèmes d’oppression, en particulier les États bureaucratiques de l’Est, et qui se revendique d’un projet d’auto-émancipation, donne une série d’outils théoriques et politiques pour se forger une certaine vision du monde. Cet acquis doit être préservé, maintenu, enrichi. C’est le sens de la IVe Internationale, de ses publications, de ses activités, de ses formations internationales. Mais il s’agit aujourd’hui de discuter aussi une nouvelle perspective plus large, celle de rassemblements et de regroupements qui correspondent à la nouvelle période historique.

Il faut travailler à la convergence d’une série d’expériences et de courants sociaux et politiques, sur la base « d’une compréhension commune des évènements et des tâches ». Le Bloco de Esquerda au Portugal, l’Alliance Rouge et Verte du Danemark, le PSOL au Brésil, les courants pour la construction d’un nouveau parti des travailleurs en Corée du Sud, le LPP du Pakistan, le Parti polonais du travail (PPP), les courants de gauche de Die Linke en Allemagne ou le NPA en France, constituent, chacun à sa manière, des formes d’organisation de cette gauche anticapitaliste. Dans certains pays d’Amérique latine ou d’Afrique, cette question peut se poser dans les relations avec les forces du nationalisme indigéniste radical ou révolutionnaire au travers de fronts anti-impérialistes. Ces formes sont des moments ou des espaces de regroupements pour des forces révolutionnaires.

Cette approche que nous avions discutée, lors du 15e Congrès de la IVe Internationale en 2003, a été l’une des références pour nous orienter dans des processus de réorganisation du mouvement ouvrier. Elle doit être aujourd’hui approfondie dans une situation marquée par la crise globale. Elle exige de prendre en compte l’émergence d’animateurs de mobilisations et mouvements contre l’exploitation capitaliste, ainsi que le nouveau syndicalisme de lutte, les réorganisations politiques en cours à gauche, le rebond du mouvement altermondialiste au travers de la lutte pour « changer le système, pas le climat », pour faire émerger une nouvelle gauche anticapitaliste indépendante de la social-démocratie et du centre gauche.

Bien entendu, un tel enjeu ne peut se résumer dans une série de recettes ou de modèles d’organisation. Chacune d’entre elles a son histoire, ses propres traditions en tenant compte de chaque réalité nationale, mais la recherche de convergences doit être au centre des discussions de construction de nouvelles forces anticapitalistes. L’histoire de la IVe Internationale nous apprend même que, si les discussions générales de programme se font à l’échelle internationale, les choix tactiques nationaux relèvent des organisations ou partis nationaux. Chacun, ainsi, apporte sa propre contribution en enrichissant la discussion générale. C’est aussi cela le sens d’un congrès de la IVe Internationale.