De la Grande Logique de Hegel à la gare de Finlande à Petrograd

Dans ce texte, Michael Löwy explique la trajectoire politique de Lénine, de la position classique, étapiste, de la IIe Internationale sur la prise du pouvoir par le prolétariat, en lien avec ses conceptions philosophiques marxistes.

« Un homme qui dit de pareilles bêtises n’est pas dangereux » (Stankevitch, socialiste, avril 1917).

« C’est du délire, c’est le délire d’un fou ! » (Bogdanov, menchevik, avril 1917).

« Ce sont des rêves insensés… » (Plekhanov, menchevik, avril 1917).

« Pendant de nombreuses années, la place de Bakounine dans la révolution russe est restée inoccupée ; maintenant, elle est prise par Lénine » (Goldenberg, ex-bolchevik, avril 1917).

« Ce jour-là [le 4 avril] le camarade Lénine ne trouva point de partisans déclarés, même dans nos rangs » (Zalejsky, bolchevik, avril 1917).

« Pour ce qui est du schéma général du camarade Lénine, il nous paraît inacceptable, dans la mesure où il présente comme achevée la révolution démocratique bourgeoise, et compte sur une transformation immédiate de cette révolution en révolution socialiste » (Kamenev, éditorial de la Pravda, organe du parti bolchevik, 8 avril 1917).

Voici la réception unanime qui fut donnée, par les représentants officiels du marxisme russe, aux thèses hérétiques que Lénine avait exposées, d’abord à la foule massée sur la place de la gare de Finlande à Petrograd, du haut d’une voiture blindée, et le lendemain devant les délégués bolcheviks et mencheviks du Soviet : les « Thèses d’avril ». Dans ses célèbres mémoires, Soukhanov (menchevik devenu fonctionnaire soviétique) avoue que la formule politique centrale de Lénine – tout le pouvoir aux Soviets – « retentit comme un coup de tonnerre dans un ciel tout bleu » et « stupéfia et confondit les plus instruits de ses fidèles disciples ». Selon Soukhanov, un dirigeant bolchevik aurait même déclaré que « ce discours [de Lénine] n’avait pas aggravé les divergences au sein de la social-démocratie, mais les avait au contraire supprimées, car il ne pouvait y avoir qu’un accord entre bolcheviks et mencheviks face à la position de Lénine » !1. L’éditorial du 8 avril dans la Pravda a pour un moment confirmé cette impression d’unanimité anti­léniniste ; d’après Soukhanov « il semblait que les fondements marxistes du parti bolchevik restaient solides et inébranlables, que la masse du parti s’élevait contre Lénine pour défendre les principes élémentaires du socialisme scientifique d’antan ; hélas ! nous nous trompions ! »2.

Comment expliquer l’extraordinaire tempête que soulevèrent les paroles de Lénine et ce chœur de réprobation générale qui s’abattit sur elles ? La description naïve mais révélatrice de Soukhanov suggère la réponse : Lénine a précisément rompu avec le « socialisme scientifique d’antan », avec une certaine façon de comprendre « les principes élémentaires » du marxisme, façon qui était, dans une certaine mesure, commune à tous les courants de la social-démocratie marxiste en Russie. La perplexité, la confusion, l’indignation ou le mépris avec lesquels ont été reçues les thèses d’avril à la fois par des dirigeants mencheviks et bolcheviks ne sont que le symptôme de la coupure radicale qu’elles impliquent d’avec la tradition du « marxisme orthodoxe » de la IIe Internationale (nous nous référons au courant hégémonique et non à la gauche radicale : Rosa Luxemburg, etc.). Tradition dont le matérialisme - mécanique - déterministe - évolutionniste se cristallisait dans un syllogisme politique rigoureux et paralysant :

« La Russie est un pays arriéré, barbare, semi-féodal.
« Elle n’est pas mûre pour le socialisme.
« La révolution russe est une révolution bourgeoise.
CQFD. »

Rarement un tournant théorique fut plus riche de conséquences historiques que celui inauguré par Lénine dans son discours à la gare finlandaise de Petrograd. Quelles ont été les sources méthodologiques de ce tournant ? Quelle est la différence spécifique de sa méthode par rapport aux canons de l’orthodoxie marxiste « d’antan » ?

Voici la réponse de Lénine lui-même, dans un écrit polémique dirigé précisément contre Soukhanov, en janvier 1923 : « Tous ils se disent marxistes, mais ils entendent le marxisme de façon pédantesque au possible. Ils n’ont pas du tout compris ce qu’il y a d’essentiel dans le marxisme, à savoir sa dialectique révolutionnaire »3. Sa dialectique révolutionnaire : voici, in nuce (en bref, NDLR) le lieu géométrique de la rupture de Lénine avec le marxisme de la IIe Internationale, et, dans une certaine mesure, avec sa propre conscience philosophique « d’antan ». Rupture qui commence au lendemain de la première Grande guerre, se nourrit d’un retour aux sources hégéliennes de la dialectique marxiste et aboutit au défi monumental, « fou » et « délirant » de la nuit du 3 avril 1917.

Le « vieux bolchevisme » ou le « marxisme d’antan » : Lénine avant 1914

Une des premières sources de la pensée philosophique de Lénine avant 1914 a été La Sainte Famille de Marx (1844), qu’il a lue et résumée dans un cahier de notes en 1895. Il a été particulièrement intéressé par le chapitre intitulé : « Bataille critique contre le matérialisme français » qu’il désigne comme « un des plus précieux du livre »4. Or, ce chapitre constitue précisément le seul écrit de Marx où il « adhère » d’une manière non critique au matérialisme français du XVIIIe siècle, qu’il présente comme la « base logique » du communisme. Les citations extraites de ce chapitre de la Sainte Famille sont un des schibboleth5 qui permettent d’identifier le matérialisme « métaphysique » dans un courant marxiste.

D’autre part, c’est un fait évident et bien connu que Lénine était, à cette époque, du point de vue philosophique, largement tributaire de Plekhanov. Tout en étant politiquement beaucoup plus souple et radical que son maître, devenu après la rupture de 1903 le principal théoricien du menchevisme, Lénine acceptait certaines prémisses idéologiques fondamentales du marxisme « pré-dialectique » de Plekhanov et son corollaire stratégique : le caractère bourgeois de la révolution russe. Sans cette « base commune » on peut difficilement comprendre que, malgré sa critique sévère et intransigeante du « suivisme » des mencheviks par rapport à la bourgeoisie libérale, il avait pu accepter, de 1905 à 1910, plusieurs tentatives de réunification des deux fractions de la social-démocratie russe. D’ailleurs, c’est au moment de son plus grand rapprochement politique avec Plekhanov (contre le liquidationnisme 1908-1909) qu’il écrit Marxisme et empiriocriticisme, œuvre où l’influence philosophique du « père du marxisme russe » est visible et lisible.

Ce qui est remarquable et tout à fait caractéristique pour le Lénine d’avant 1914, c’est que l’autorité marxiste dont il se réclamait souvent dans ses polémiques contre Plekhanov n’était autre que… Karl Kautsky. Par exemple, il voit dans un article de Kautsky sur la révolution russe (1906) « un coup direct porté à Plekhanov » et il souligne avec enthousiasme la coïncidence entre les analyses kautskyennes et bolcheviques : « La révolution bourgeoise, accomplie par le prolétariat et la paysannerie en dépit de l’instabilité de la bourgeoisie, c’est là une thèse essentielle de la tactique bolchevique, entièrement confirmée par Kautsky »6.

Une analyse serrée du principal texte politique de Lénine de cette période, les Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique (1905), montre avec une netteté extraordinaire la tension dans la pensée de Lénine entre son réalisme révolutionnaire général et les limites que lui impose le carcan étroit du marxisme soi-disant « orthodoxe ». D’une part, on y trouve des analyses lumineuses et pénétrantes sur l’incapacité de la bourgeoisie russe de mener à bien une révolution démocratique, laquelle ne peut être accomplie que par une alliance ouvrière-paysanne exerçant sa dictature révolutionnaire ; il parle même du rôle dirigeant du prolétariat dans cette alliance et, par moments, il semble toucher du doigt l’idée d’une transition ininterrompue vers le socialisme : « Cette dictature ne pourra toucher [sans passer par toute une série de degrés intermédiaires de développement révolutionnaire] les bases du capitalisme »7. Par cette petite parenthèse, Lénine ouvre une fenêtre vers le paysage inconnu de la révolution socialiste, mais c’est pour la fermer aussitôt et retourner à l’espace clos, circonscrit par les limites de l’orthodoxie. Ces limites, on les trouve dans les nombreuses formules des Deux Tactiques, où Lénine réaffirme catégoriquement le caractère bourgeois de la révolution russe, et condamne comme « réactionnaire » l’idée de « chercher le salut de la classe ouvrière ailleurs que dans le développement du capitalisme »8.

L’argument principal qu’il présente pour étayer cette thèse est le thème « classique » du marxisme « pré-dialectique » : la Russie n’est pas mûre pour une révolution socialiste : « Le degré de développement économique de la Russie (condition objective) et le degré de conscience et d’organisation des grandes masses du prolétariat (condition subjective indissolublement liée à la condition objective) rendent impossible l’émancipation immédiate et totale de la classe ouvrière. Seuls les gens les plus ignares peuvent méconnaître le caractère bourgeois de la révolution démocratique en cours »9. L’objectif détermine le subjectif, l’économie est la condition de la conscience : voici, en deux mots, Moïse et les Dix commandements de l’évangile matérialiste de la Ile Internationale, qui écrasait de son poids la géniale intuition politique de Lénine.

La formule qui était la quintessence du bolchevisme d’avant-guerre, du « vieux bolchevisme », réfléchit dans son sein toutes les ambiguïtés du premier léninisme : « la dictature révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie ». L’innovation profondément révolutionnaire de Lénine (qui le distinguait radicalement de la stratégie menchevique) est exprimée par la formule souple et réaliste de pouvoir ouvrier et paysan, formule à caractère « algébrique » (Trotsky dixit) où le poids spécifique de chaque classe n’est pas déterminé à priori. Par contre, le terme apparemment paradoxal de « dictature démocratique » est le shibboleth de l’orthodoxie, la présence visible des limites imposées par le « marxisme d’antan » : la révolution n’est que « démocratique », c’est-à-dire bourgeoise ; prémisse qui, comme l’écrit Lénine dans un passage révélateur, « découle nécessairement de toute la philosophie marxiste » – c’est-à-dire de la philosophie marxiste telle que la concevaient Kautsky, Plekhanov et les autres idéologues de ce qu’il était convenu d’appeler à cette époque « la social-démocratie révolutionnaire »10.

Un autre thème des Deux Tactiques qui témoigne de l’obstacle méthodologique qui constituait le caractère analytique de ce marxisme-là, c’est le rejet explicite et formel de la Commune de Paris comme modèle pour la révolution russe. Selon Lénine, la Commune s’est trompée parce qu’elle n’a pas su « distinguer entre les éléments des révolutions démocratique et socialiste », parce qu’elle « confondait les tâches de la lutte pour la république avec les tâches de la lutte pour le socialisme ». Par conséquent, elle a été « un gouvernement comme ne doit pas être le nôtre [le futur gouvernement provisoire révolutionnaire, M. L.] »11. Nous verrons plus tard que ceci est précisément un des points nodaux par où Lénine entreprendra, en avril 1917, la révision déchirante du « vieux bolchevisme ».

La « coupure » de 1914

« C’est un faux de l’état-major allemand ! » s’écria Lénine quand on lui montra l’exemplaire du Vorwärts (organe de la S.D. allemande) avec la nouvelle du vote socialiste pour les crédits de guerre, le 4 août 1914. Cette anecdote célèbre (ainsi que son refus obstiné de croire que Plekhanov s’était prononcé pour la « défense nationale » de la Russie tsariste) illustre à la fois les illusions que se faisait Lénine sur la social-démocratie « marxiste », son étonnement face à la faillite de la IIe Internationale et l’abîme qui se creuse entre lui et les « ex-orthodoxes » devenus social-patriotes.

La catastrophe du 4 août fut pour Lénine l’évidence fulgurante qu’il y avait quelque chose de pourri dans le royaume du Danemark de l’« orthodoxie » marxiste officielle. La banqueroute politique de cette orthodoxie le conduit donc à une profonde révision des prémisses philosophiques du marxisme kautsko-plékhanoviste. « La faillite de la IIe Internationale, aux premiers jours de la guerre, incite Lénine à réfléchir sur les fondements théoriques d’une aussi profonde trahison »12. Il faudrait un jour reconstituer précisément l’itinéraire qui mena Lénine du traumatisme d’août 1914 à la Logique de Hegel, à peine un mois après. Simple volonté de retourner aux sources de la pensée marxiste ? Ou intuition lucide que le talon d’Achille méthodologique du marxisme de la IIe Internationale était l’incompréhension de la dialectique ?

Quoi qu’il en soit, il n’y a aucun doute que sa vision de la dialectique marxiste en a été profondément transformée. En témoignent non seulement le texte lui-même des Cahiers philosophiques, mais aussi la lettre qu’il a envoyée le 4 janvier 1915, à peine terminée la lecture (le 17 décembre 1914) de Science de la logique, au secrétaire de rédaction des Éditions Granat pour demander s’il était « encore temps d’apporter [à son Karl Marx] quelques corrections à la section sur la dialectique »13. Et ce ne fut pas du tout un « enthousiasme passager » puisque, sept ans plus tard, dans un de ses derniers écrits, Sur la signification du marxisme militant (1922) il appelait les éditeurs et collaborateurs de la revue théorique du parti (Sous la bannière du marxisme) à « être une espèce de Société des amis matérialistes de la dialectique hégélienne ». Il insiste sur le besoin d’une « étude systématique de la dialectique de Hegel du point de vue matérialiste », et propose même de « reproduire dans la revue des passages empruntés aux principaux ouvrages de Hegel, les interpréter dans un esprit matérialiste en les commentant par des exemples d’application de la dialectique empruntés à Marx »14.

Quelles étaient les tendances (ou du moins les tentations) du marxisme de la IIe Internationale qui lui donnaient son caractère pré-dialectique ?

1) Tout d’abord, la tendance à effacer la distinction entre le matérialisme dialectique de Marx et le matérialisme « ancien », « vulgaire », « métaphysique » d’Helvétius, Feuerbach, etc. Plekhanov, par exemple, arrive à écrire cette chose étonnante, à savoir que les thèses sur Feuerbach de Marx « ne rejettent nullement les idées fondamentales de la philosophie de Feuerbach ; elles les amendent seulement… les conceptions matérialistes de Marx et Engels se sont développées dans le sens même indiqué par la logique interne de la philosophie de Feuerbach ! » D’ailleurs Plekhanov critique Feuerbach et les matérialistes français du XVIIIe pour avoir une conception trop… idéaliste dans le domaine de l’histoire15.

2) La tendance, qui découle de la première, à réduire le matérialisme historique à un déterminisme économique mécaniciste où « l’objectif » est toujours la cause du « subjectif ». Par exemple Kautsky insiste inlassablement sur l’idée que « la domination du prolétariat et la révolution sociale ne peuvent pas se produire avant que les conditions préliminaires, tant économiques que psychologiques, d’une société socialiste ne soient suffisamment réalisées ». Quelles sont ces « conditions psychologiques » ? Selon Kautsky, « de l’intelligence, de la discipline, un talent d’organisation ». Comment ces conditions seront-elles créées ? « C’est la tâche historique du capital » de les réaliser. Morale de l’histoire : « Ce n’est que là où le système de production capitaliste a atteint un haut degré de développement que les conditions économiques permettent la transformation par le pouvoir public de la propriété capitaliste des moyens de production en propriété sociale » 16.

3) La tentation de réduire la dialectique à un évolutionnisme darwiniste, où les différentes étapes de l’histoire humaine (esclavage, féodalisme, capitalisme, socialisme) se succèdent d’après un ordre rigoureusement déterminé par les « lois de l’histoire ». Kautsky, par exemple, définit le marxisme comme « l’étude scientifique des lois de l’évolution de l’organisme social »17. Kautsky avait en effet été darwiniste avant de devenir marxiste et ce n’est pas sans raison que son disciple Brill a défini sa méthode comme un « matérialisme biologico-historique »…

4) Une conception abstraite et une science naturaliste des « lois de l’histoire » qui est illustrée d’une manière frappante par la merveilleuse phrase qu’a prononcée Plekhanov en recevant les nouvelles de la révolution d’Octobre : « Mais c’est une violation de toutes les lois de l’histoire ! ».

5) Une tendance à la rechute dans la méthode analytique, en ne saisissant que des objets « distincts et séparés » figés dans leur différence : Russie – Allemagne, révolution bourgeoise –révolution socialiste, parti – masses, programme minimum – programme maximum, etc.

Il est bien entendu que Kautsky et Plekhanov avaient soigneusement lu et étudié Hegel ; mais ils l’ont pour ainsi dire « absorbé » et « digéré » au sein de leur système théorique, en tant que précurseur de l’évolutionnisme ou du déterminisme historique.

Dans quelle mesure les notes de Lénine sur (ou à propos de) la Logique de Hegel constituent-elles un défi au marxisme pré-dialectique ?

1) Tout d’abord Lénine insiste sur l’abîme philosophique qui sépare le matérialisme « bête », c’est-à-dire « métaphysique, non-développé, mort, grossier » du matérialisme marxiste, qui est plus proche, par contre, de l’idéalisme « intelligent », c’est-à-dire dialectique. Par conséquent, il critique Plekhanov sévèrement pour n’avoir rien écrit sur la Grande Logique de Hegel, « c’est-à­ dire au fond sur la dialectique comme science philosophique », et pour avoir critiqué le kantisme du point de vue du matérialisme vulgaire plutôt qu’« à la Hegel »18.

2) Il s’approprie une compréhension dialectique de la causalité : « La cause et l’effet ne sont ergo [donc, par conséquent, NDLR] que des moments de l’interdépendance universelle, de la liaison (universelle), de l’enchaînement réciproque des événements… » En même temps il approuve la démarche dialectique par laquelle Hegel dissout l’« opposition solide et abstraite » du subjectif et de l’objectif et détruit leur unilatéralité19.

3) Il souligne la différence capitale entre la conception évolutionniste vulgaire et la conception dialectique du développement : l’une, « le développement comme diminution et augmentation, comme répétition » est morte, pauvre, aride ; l’autre, le développement comme unité des contraires, est la seule qui « donne la clef des sauts », de la « rupture du graduel », de la « transformation dans le contraire », de l’abolition de l’ancien et de la naissance du nouveau20.

4) Il critique, avec Hegel, « l’absolutisation du concept de loi », « sa simplification, sa fétichisation » (et il ajoute : « NB : pour la physique moderne ! »). Il écrit même que « la loi, toute loi, est étroite, incomplète, approchée »21.

5) Il voit dans la catégorie de la totalité, dans « le déplacement de tout l’ensemble des moments de la réalité, NB : l’essence même de la connaissance dialectique »22. On voit l’usage que Lénine fait immédiatement de ce principe méthodologique dans la brochure qu’il a écrite à cette époque, La faillite de la IIe Internationale ; il soumet à une critique sévère les apologètes de la « défense nationale » – qui essaient de nier le caractère impérialiste de la grande guerre à cause du « facteur national » de la guerre des Serbes contre l’Autriche – en soulignant que la dialectique de Marx « interdit justement l’examen isolé, c’est-à-dire unilatéral et déformé, de l’objet étudié »23. Ceci est d’une importance capitale parce que, comme le disait Lukacs, le règne de la catégorie dialectique de la totalité est le porteur du principe révolutionnaire dans la science.

L’isolement, la fixation, la séparation et l’opposition abstraite des différents moments de la réalité sont dissous d’une part à travers la catégorie de la totalité, d’autre part par la constatation, chez Lénine, que « la dialectique est la théorie […] des raisons pour quoi l’esprit humain ne doit pas prendre ces contraires pour morts, figés, mais pour vivants, conditionnés, mobiles, se changeant l’un en l’autre »24.

Bien entendu, ce qui nous intéresse ici est moins l’étude du contenu philosophique des Cahiers « en soi », que celui de ses conséquences politiques. Ce n’est pas difficile de trouver le fil rouge qui mène des prémisses méthodologiques des Cahiers aux thèses de Lénine en 1917 : de la catégorie de la totalité à la théorie du maillon le plus faible de la chaîne impérialiste ; de la conversion des contraires l’un en l’autre à la transformation de la révolution démocratique en révolution socialiste ; de la conception dialectique de la causalité au refus de définir le caractère de la révolution russe par la seule « base économique arriérée » de la Russie ; de la critique de l’évolutionnisme vulgaire à la « rupture dans la succession » en 1917 ; etc, etc. Mais le plus important, c’est purement et simplement que la lecture critique, la lecture matérialiste de Hegel a libéré Lénine du carcan étroit du marxisme pseudo-orthodoxe de la IIe Internationale, de la limite théorique que celui-ci imposait à sa pensée. L’étude de la Logique hégélienne a été l’instrument par lequel Lénine a déblayé la route théorique qui mène à la gare de Finlande à Petrograd.

En mars-avril 1917 Lénine, délivré de l’obstacle représenté par le marxisme pré-dialectique, peut, sous l’impulsion des événements, se débarrasser assez rapidement de son corollaire politique : le principe abstrait et figé selon lequel « la révolution russe ne peut être que bourgeoise – la Russie n’est pas économiquement mûre pour une révolution socialiste ». Une fois franchi ce Rubicon, il se met à étudier le problème sous un angle pratique, concret, et réaliste : quelles sont les mesures, constituant en fait une transition vers le socialisme, que l’on peut faire accepter par la majorité du peuple, c’est-à-dire par les masses ouvrières et paysannes ?

Les thèses d’avril 1917

En vérité, les « thèses d’avril » sont nées en mars, plus précisément entre le 11 et le 26 mars, c’est-à-dire entre la troisième et la cinquième Lettre de loin. L’analyse serrée de ces deux documents (qui d’ailleurs ne furent pas publiés en 1917) nous permet de saisir le mouvement même de la pensée de Lénine. À la question capitale : la révolution russe peut-elle prendre des mesures de transition vers le socialisme ? Lénine répond en deux moments : dans le premier (Lettre 3) il met en question la réponse traditionnelle ; dans le deuxième (Lettre 5) il donne une réponse nouvelle.

La Lettre 3 contient en elle-même deux moments juxtaposés, dans une contradiction non résolue. Lénine décrit certaines mesures concrètes dans le terrain du contrôle de la production et de la distribution qu’il croit indispensables pour le progrès de la révolution. Il souligne d’abord que ces mesures ne sont pas encore le socialisme, ou la dictature du prolétariat ; elles ne dépassent pas les limites de la « dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et des paysans pauvres ». Mais il ajoute tout de suite cette phrase paradoxale qui suggère clairement un doute sur ce qu’il vient d’affirmer, c’est-à-dire une mise en question explicite des thèses « classiques » : « Il ne s’agit pas en ce moment de procéder à une classification théorique de ces dispositions. On commettrait la plus grave erreur si l’on voulait étendre les tâches de la révolution, ces tâches pratiques, complexes, urgentes, et en voie de développement rapide, sur le lit de Procuste d’une “théorie” figée… »25. Quinze jours plus tard, dans la cinquième Lettre, l’abîme est franchi, la coupure politique consommée : les mesures mentionnées (contrôle de la production et de la répartition, etc.) constituent, « envisagées dans leur ensemble et dans leur évolution, […] une transition vers le socialisme, lequel ne saurait être instauré en Russie directement, d’emblée, sans mesures transitoires, mais est parfaitement réalisable et s’impose impérieusement à la suite de telles dispositions »26. Lénine ne se refuse plus à une « classification théorique » de ces mesures et il les définit non comme « démocratiques » mais comme transitoires vers le socialisme.

Pendant ce temps, les bolcheviks à Petrograd restaient fidèles au vieux schéma (ils essayaient de coucher la révolution russe, cette fille indocile, indomptable et déchaînée, dans le « lit de Procuste d’une théorie figée… » et se cantonnaient dans un attentisme prudent ; la Pravda du 15 mars accordait même un soutien conditionnel au gouvernement provisoire (Cadet !) « dans la mesure où celui-ci combat la réaction et la contre-révolution » ; selon le témoignage sincère du dirigeant bolchevik Chliapnikov, en mars 1917 « nous étions d’accord avec les mencheviks pour dire que nous passions par une phase de démolition révolutionnaire des rapports de féodalité et de servage, auxquels allaient se substituer toutes sortes de “libertés particulières aux régimes bourgeois” »27.

On peut donc comprendre leur surprise quand les premières paroles que Lénine, à la gare de Finlande à Petrograd, adressa à la foule des ouvriers, soldats et matelots, furent un appel à lutter pour la révolution socialiste28.

Le soir du 3 avril et le lendemain, il exposa au parti les « thèses d’avril » qui produisirent, selon le bolchevik Zalejsky, membre du Comité de Petrograd, l’effet d’une bombe qui explose. D’ailleurs, le 8 avril, ce même comité de Petrograd rejeta les thèses de Lénine par 13 voix contre 2, avec une abstention29. Et il faut dire que les « thèses d’avril » étaient, dans une certaine mesure, en retrait par rapport aux conclusions déjà atteintes dans la cinquième « Lettre de loin » : elles ne parlent pas explicitement de transition vers le socialisme. Il semble que Lénine, face à l’étonnement et la perplexité de ses camarades, ait été amené à modérer partiellement ses propos. En effet, les thèses d’avril parlent bien de transition entre la première étape de la révolution et la deuxième « qui doit donner le pouvoir au prolétariat et aux couches pauvres de la paysannerie », mais ceci n’est pas nécessairement en contradiction avec la formule traditionnelle du « vieux bolchevisme » (sauf la mention des « couches pauvres» à la place de la paysannerie comme un tout, ce qui est, bien entendu, très significatif) puisque le contenu des tâches de ce pouvoir (démocratiques seulement ou déjà socialistes ?) n’est pas défini. Lénine souligne même que « notre tâche immédiate est non pas d’“introduire” le socialisme, mais uniquement de passer tout de suite au contrôle de la production sociale et de la répartition des produits par les Soviets des députés ouvriers »30 formule souple où la caractérisation du contenu de ce « contrôle » n’est pas déterminée. Le seul thème qui, au moins implicitement, est une révision de l’ancienne conception bolchevique est celui de l’État-Commune comme modèle pour la République des Soviets, et ceci pour deux raisons :

a) la Commune était traditionnellement définie, dans la littérature marxiste, comme la première tentative de dictature du prolétariat ;

b) Lénine lui-même avait caractérisé la Commune comme un gouvernement ouvrier qui avait voulu accomplir, à la fois une révolution démocratique et une révolution socialiste. C’est pour cette raison que Lénine, prisonnier du « marxisme d’antan », l’avait critiquée en 1905. C’est pour la même raison que Lénine, le dialecticien révolutionnaire, la prend pour modèle en 1917. L’historien E. H. Carr a donc raison de souligner que les premiers articles de Lénine depuis son arrivée à Petrograd « impliquaient la transition au socialisme, mais s’arrêtaient au bord de le proclamer explicitement »31. Cette explication va se faire au cours du mois d’avril, au fur et à mesure que Lénine gagne les bases du parti bolchevik pour sa ligne politique. Elle se fait surtout autour de deux axes : la révision du « vieux bolchevisme » et la perspective de transition au socialisme. Le texte capital à ce sujet est une petite brochure – peu connue – Lettres sur la tactique, rédigée entre le 8 et le 13 avril, probablement sous l’impulsion de l’éditorial anti-Lénine de la Pravda du 8 avril, où l’on trouve cette phrase clé qui résume le tournant historique effectué par Lénine et sa rupture définitive, explicite et radicale avec ce qu’il y avait de périmé dans le bolchevisme « d’antan » : « Quiconque, aujourd’hui, ne parle que de la “dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie” retarde sur la vie, est passé de ce fait, pratiquement, à la petite bourgeoisie, et mérite d’être relégué aux archives des curiosités prérévolutionnaires “bolcheviques” - (aux archives des “vieux bolcheviks”, pourrait-on dire »32. Dans cette même brochure, Lénine, tout en se défendant de vouloir introduire « immédiatement » le socialisme, affirme que le pouvoir soviétique prendra des mesures « pour marcher au socialisme ». Par exemple, « le contrôle de la banque, la fusion de toutes les banques en une seule ne sont pas encore le socialisme, mais un pas vers le socialisme »33.

Dans un article publié le 23 avril, Lénine définit dans les termes suivants ce qui distingue les bolcheviks des mencheviks : tandis que les derniers « sont pour le socialisme, mais estiment qu’il serait prématuré d’y penser et de prendre dès à présent des mesures pratiques pour le réaliser », les premiers pensent que les Soviets « doivent prendre immédiatement toutes les mesures pratiquement réalisables pour faire triompher le socialisme »34.

Que signifie « mesures pratiquement réalisables » ? Pour Lénine, cela veut dire surtout des mesures qui peuvent recevoir l’appui de la majorité de la population. C’est-à-dire, non seulement des ouvriers, mais aussi des masses paysannes. Lénine, délivré de la limite théorique imposée par le schéma pré-dialectique – « le passage au socialisme est objectivement irréalisable » – s’occupe maintenant des conditions politico-sociales réelles pour assurer « des pas vers le socialisme ». Ainsi, dans son discours au VIIe congrès du parti bolchevik (24-29 avril) il pose le problème d’une façon réaliste et concrète : « Il faut parler d’actes et de mesures pratiques […] Nous ne pouvons pas être partisans d’“introduire” le socialisme […]. La majorité de la population est formée en Russie de paysans, de petits propriétaires qui ne peuvent en aucune façon désirer le socialisme. Mais que pourraient-ils objecter à la création, dans chaque village, d’une banque qui leur permettrait d’améliorer leur exploitation ? Ils ne peuvent rien dire là contre. Nous devons préconiser ces mesures pratiques parmi les pays et affermir en eux la conscience de cette nécessité »35. « Introduire » le socialisme signifie, dans ce contexte, l’imposition immédiate de la socialisation totale « par en haut », contre la volonté de la majorité de la population. Lénine, par contre, se propose d’obtenir l’appui des masses paysannes pour certaines mesures concrètes, à caractère objectivement socialiste, prises par le pouvoir soviétique (à hégémonie ouvrière). À quelques nuances près, cette conception ressemble étonnamment à celle défendue depuis 1905 par Trotsky : « la dictature du prolétariat qui s’appuie sur la paysannerie » qui effectue le passage ininterrompu de la révolution démocratique à la révolution socialiste. Ce n’est donc pas par hasard que Lénine fut traité de « trotskiste » par le « vieux bolchevik » Kamenev en avril 1917…36.

Conclusion

Il n’y a pas de doute que les « thèses d’avril » représentent une « coupure » théorico-politique d’avec la tradition du bolchevisme d’avant­ guerre. Ceci dit, il est non moins vrai que, dans la mesure où Lénine avait, dès 1905, prôné l’alliance révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie (et l’approfondissement radical de la révolution sans ou même contre la bourgeoisie libérale) le « nouveau bolchevisme » né en avril 1917 est l’héritier authentique et le fils légitime du « vieux bolchevisme ».

D’autre part, s’il est indéniable que les Cahiers constituent une rupture philosophique d’avec le « premier léninisme », il faut reconnaître aussi que la méthode à l’œuvre dans les écrits politiques de Lénine avant 1914 était beaucoup plus « dialectique » que celle de Plekhanov ou Kautsky.

Finalement, et pour éviter des malentendus possibles, nous n’avons nullement voulu suggérer que Lénine a « déduit » les Thèses d’avril de la Logique de Hegel… Ces thèses sont le produit d’une pensée réaliste révolutionnaire face à une situation nouvelle : la guerre mondiale, la situation objectivement révolutionnaire qu’elle a créée en Europe ; la révolution de février, la défaite rapide du tsarisme, l’apparition massive des soviets. Elles sont le résultat de ce qui constitue l’essence même de la méthode léniniste : une analyse concrète d’une situation concrète. La lecture critique de Hegel a précisément aidé Lénine à se libérer d’une théorie abstraite et figée qui faisait obstacle à cette analyse concrète : la pseudo-orthodoxie pré-dialectique de la IIe Internationale. C’est dans ce sens, et dans ce sens seulement, qu’on peut parler de l’itinéraire théorique qui mène Lénine de l’étude de la Grande Logique dans la bibliothèque de Berne, en septembre 1914, aux paroles de défi qui « ébranlèrent le monde », lancées pour la première fois, la nuit du 3 avril 1917, dans la gare de Finlance à Petrograd.

 

1970

* Michael Löwy, né au Brésil, est sociologue, philosophe et militant de la IVe Internationale en France. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Affinités révolutionnaires : Nos étoiles rouges et noires, en collaboration avec Olivier Besancenot (éditions Mille et une nuits, 2014, 260 p.), Rosa Luxemburg, l’étincelle incendiaire (Le Temps des cerises, 2018, 220 p.) et La Comète incandescente. Romantisme, surréalisme, subversion (Préface d’Alex Januario, illustrations de Guy Girard, Sergio Lima et Penelope Rosemont, Orange, Éditions le Retrait, 2020, 206 p.)

Ce document a été publié initialement dans la revue L’homme et la société, n°15, 1970.

  • 1Soukhanov, La révolution russe de 1917, Stock, Paris 1965, pp. 139, 140, 142
  • 2 Ibid. p. 143
  • 3Lénine, Sur notre révolution (À propos des mémoires de N. Soukhanov), Œuvres, Moscou, vol. 23, p. 489.
  • 4Lénine, Cahiers Philosophiques, Éd. Sociales, Paris, 1955, p. 30.
  • 5Un schibboleth, en hébreu, est une phrase ou un mot qui ne peut être utilisé – ou prononcé – correctement que par les membres d’un groupe. Il révèle l’appartenance d’une personne à un groupe national, social, professionnel ou autre. Autrement dit, un schibboleth représente un signe de reconnaissance verbal.
  • 6Lénine, Œuvres, Ed. Sociales, vol. Il, pp. 432, 433.
  • 7Lénine, Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique, souligné par nous M. L.
  • 8 « Les marxistes sont absolument convaincus du caractère bourgeois de la révolution russe. Qu’est-ce à dire ? C’est que les transformations démocratiques du régime politique, et puis les formations sociales et économiques dont la Russie éprouve la nécessité, loin d’impliquer par elles-mêmes l’ébranlement du capitalisme, l’ébranlement de la domination de la bourgeoisie, au contraire déblaieront véritablement, pour la première fois, la voie d’un développement large et rapide, européen et non asiatique, du capitalisme en Russie; pour la première fois elles rendront possible dans ce pays la domination de la bourgeoisie comme classe ».
  • 9Ibid., p. 15.
  • 10La seule (ou presque) exception à cette règle d’airain était Trotsky qui, le premier, avait dans Bilan et Perspectives (1906) dépassé le dogme du caractère bourgeois-démocratique de la révolution russe future ; il était cependant politiquement neutralisé par son conciliationisme organisationnel.
  • 11Lénine, op. cit., pp. 63-64 ; souligné dans l’original.
  • 12R. Garaudy, Lénine, P.U.F., 1969, Paris, p. 39.
  • 13Roger Garaudy, in op. cit., p. 40.
  • 14Lénine, « La portée du matérialisme militant », 12 mars 1922. Ceci est très actuel aujourd’hui, quand on essaie à nouveau, tout en se réclamant de Lénine, de traiter le vieux Hegel en « chien crevé »…
  • 15 « la théorie de la connaissance de Marx provient en droite ligne de celle de Feuerbach ou, si l’on veut, elle est, à proprement parler, celle de Feuerbach, mais seulement approfondie d’une façon géniale par Marx ».
  • 16Kautsky, La révolution sociale, in P. Louis, 150 années de pensée socialiste, M. Rivière, 1953, pp. 28, 29, 31.
  • 17La question agraire. Plekhanov, par contre, avait, au moins en principe, critiqué l’évolutionnisme vulgaire, en s’appuyant précisément sur la Science de la Logique de Hegel. Cf. Questions fondamentales du marxisme, p. 36.
  • 18Lénine, Cahiers Philosophiques, Éd. sociales, pp. 148, 229, 230. La Science de la logique, ou Grande Logique, a été publiée en 1812-1816 pour la première édition, 1832 pour la seconde.
  • 19Ibid, pp. 132, 152, 171.
  • 20Ibid, p. 280.
  • 21Ibid., pp. 125, 126.
  • 22Ibid., p. 130 ; cf. aussi pp. 135, 162, 195.
  • 23Lénine, « La faillite de la IIe Internationale », Œuvres, Éd. Sociales, tome 21, p. 241.
  • 24Ibid., p. 90.
  • 25Lénine, Œuvres, tome 23, pp. 257, 258.
  • 26Ibid., p. 370.
  • 27Trotsky, in Histoire de la Révolution Russe, Ed. du Seuil, Paris, 1967, vol. I, pp. 333, 336.
  • 28 « Il vous faut lutter pour la Révolution socialiste, lutter jusqu’au bout, jusqu’à la victoire complète du prolétariat. Vive la révolution socialiste ! » in G. Golikov, La Révolution d’Octobre, Éd. du Progrès, Moscou, 1966.
  • 29 « La révolution qui s’amorce ne peut être qu’une révolution bourgeoise… C’était un jugement obligatoire pour tout membre du parti. C’était l’opinion officielle du parti, un mot d’ordre constant et invariable, jusqu’à la Révolution de février 1917 et même quelque temps encore après ».
  • 30Lénine, Œuvres, vol. 24, pp. 12, 14.
  • 31E. H. Carr, op. cit.
  • 32 “La révolution démocratique n’est pas terminée”, tient-elle compte de cette réalité ? Non, cette formule a vieilli. Elle n’est plus bonne à rien. Elle est morte. C’est en vain que l’on tentera de la ressusciter ».
  • 33Ibid., p. 44.
  • 34Lénine, « Les partis politiques en Russie et les tâches du prolétariat », Œuvres, vol. 24, p. 89.
  • 35Lénine, op. cit., p. 241.
  • 36 Cf. Trotsky, The Permanent Revolution, New Park Publication, Londres, 1962, pp. 73, 97. Il ne faudrait pas oublier, d’autre part, que tant pour Lénine que pour Trotsky il y avait une « limite objective » pour le socialisme en Russie, dans la mesure où une société socialiste accomplie – abolition des classes sociales, etc. – ne saurait être établie dans un pays isolé et arriéré.

Michael Löwy